Minute de silence à l'Assemblée après le décès de Papa Matarau

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Considéré comme l'un des détenteurs les plus achevés de la culture polynésienne, il était de plus reconnu par ses pairs comme le maître dans l'art du " orero ", l'art déclamatoire. Son savoir était tel que dans les îles du Pacifique où il s'est rendu à plusieurs reprises, Tonga, Samoa ou Hawaii, les personnes qui venaient l'écouter "pleuraient et s'agenouillaient devant lui", selon les témoignages. Il pouvait réciter les anciens chants en donnant les noms des premières pirogues arrivées sur ces terres, des connaissances que les habitants croyaient perdues à jamais et qu'ils entendaient pour la première fois. Il avait une connaissance étendue des anciennes pratiques concernant la pêche, l'agriculture, les étoiles, tous les aspects du quotidien et bien sûr la spiritualité qui accompagnait ce peuple dans tous ses actes.

Mais plus que le détenteur d'un immense savoir, ce que les élus ont salué ce matin là c'est le travail effectué par Papa Matarau lui-même pour transmettre ce savoir et les valeurs qui le fondent, les valeurs de la culture ma'ohi. En effet, beaucoup de ces anciens reconnus pour leur compétence ont préféré emporter dans leur tombe leurs précieux cahiers afin que leur contenu ne soit pas dénaturé, désacralisé ou utilisé à des fins mercantiles. Pour Papa Matarau, la culture est bien sûr une parfaite connaissance du passé, mais elle n'est pas figée, au contraire, elle avance avec son peuple d'où la nécessité d'une transmission intelligente et graduelle.

Il avait rassemblé autour de lui au sein de l'association "Te Pu Atitia", du nom de la terre sur laquelle s'est installée l'antenne de l'Université de Berkeley, un groupe de plus jeunes qu'il initiait et auquel il transmettait son savoir. Dans cette optique, une quinzaine de bobines vidéo a été enregistrée depuis une dizaine d'années qui sert de support au travail de ces jeunes.

Cet homme sage et discret n'hésitait pas à intervenir dans la vie publique et interpeler les dirigeants lorsqu'il le fallait pour la défense de notre culture et de nos valeurs. Il rêvait plus particulièrement d'une école où seraient enseignées ces valeurs, la connaissance et le respect de l'être humain et de son environnement qui sont un don de Dieu. En dépit de tous ses efforts pour sensibiliser les responsables, ce grand rêve ne s'est pas concrétisé de son vivant. Puisse cette minute de silence favoriser le passage du rêve à la réalité.