Discours du président de l'assemblée – Séance d’ouverture de la session budgétaire

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Discours du président de l'assemblée – Séance d’ouverture de la session budgétaire

Monsieur le haut commissaire,

Monsieur le président de la Polynésie française,

Monsieur le vice-président, sénateur de la Polynésie française,

Madame la sénatrice, représentante à l’Assemblée de la Polynésie française,

Madame et messieurs les députés de la Polynésie française,

Monsieur le président du Conseil Economique Social et Culturel, représenté

Mesdames et messieurs les ministres du gouvernement,

Mesdames et messieurs les représentants, chers collègues,

Mesdames et messieurs les maires, et maires délégués,

Madame la secrétaire générale de l’Assemblée de la Polynésie française,

Mesdames et messieurs les chefs de service du pays et de l’assemblée,

Mesdames et messieurs représentants le monde des entreprises et le milieu associatif,

Mesdames et messieurs les membres de la presse,

Mesdames, messieurs, chers concitoyens qui êtes reliés à nous au travers de la télévision ou de l‘internet, un salut particulier aux archipels qui nous regardent,

A toutes et à tous, Ia orana e maeva.

L’ouverture de la session budgétaire est un moment majeur de la vie de notre institution. C’est un moment solennel qui nous rassemble au-delà de nos divergences. Il nous rappelle que nous sommes tous embarqués dans la même pirogue, que nous partageons et forgeons ensemble un destin commun.

Tournés vers l’avenir qui nous préoccupe et que nous essayons de façonner tant bien que mal, nous sommes aussi les héritiers du passé.

C’est le nôtre.

C’est pourquoi, comme je l’ai fait, il y a un an, lors de l’ouverture de la précédente session budgétaire peu après ma prise de fonction, en associant les présidents de la Polynésie française, je tiens cette fois à associer mes prédécesseurs, les anciens présidents de l’assemblée. Certains sont toujours parmi nous au sein de l’hémicycle.

Je veux notamment citer ici :

Monsieur le président Edouard FRITCH, mon prédécesseur, Monsieur Jacqui DROLLET, Monsieur Philip SCHYLE, Monsieur Oscar TEMARU, Monsieur Antony GEROS.

Je salue également ceux qui ne sont pas présents et la mémoire de ceux qui ne sont plus, et qui ont un temps pris la responsabilité de notre assemblée.

Chacun d’eux constitue un jalon de notre histoire, un maillon de cette chaine qui nous relie tous. Tous ensembles réunis, ils incarnent plus d’un demi-siècle d’histoire.

Je vous demande de les applaudir.

L’an prochain, notre assemblée fêtera ses 70 ans d’existence.

C’est le 11 mars 1946 que l’assemblée représentative se réunit pour la première fois sous la présidence de Joseph QUESNOT. Elle allait ensuite devenir l’assemblée territoriale, puis l’assemblée de la Polynésie française.

De Joseph QUESNOT à moi-même, 25 élus se sont succédés à la tête de notre institution.

Nous donnerons l’année prochaine à cette date anniversaire du 11 mars 2016, un relief particulier, même si l’assemblée représentative a été créée par un décret du 31 aout 1945. Il y a donc très exactement 70 ans et 17 jours que le décret instituant notre assemblée a été signé.

C’est pourquoi, j’ai souhaité aujourd’hui, par cette solennité, marquer cette étape majeure dans la vie de notre institution et de la démocratie de notre pays.

***

Je voudrais à présent m’adresser à Monsieur Le Haut commissaire de la République en Polynésie française.

Monsieur le Haut commissaire, merci d’être présent à nos côtés ce matin. Sans doute plus qu’aucun autre représentant de l’Etat, vous avez compris la nature parfois complexe de la société polynésienne à laquelle vous vous êtes attaché.

L’Etat est notre partenaire, notre ami.

Ces mots ne sont pas juste une figure de style dans un discours, ils sont une réalité, celle de notre histoire commune depuis plus de 150 ans, celle de l’engagement des Polynésiens aux côtés de la France lorsque la Patrie était en danger, celle de nos jeunes qui aujourd’hui encore combattent au nom de la France dans les conflits de notre temps, celle de nos institutions, celle de notre vie quotidienne.

Parce que la Polynésie française est un pays en devenir, nos institutions ne sont pas figées, elles sont vivantes, elles évoluent, à l’image des hommes et des femmes qui composent notre société polynésienne multiculturelle, pluriethnique, ouverte au monde et fière de sa culture et de ses racines Polynésiennes.

Il arrive que L’Etat y perde son latin, mais si cela peut vous rassurer, nous aussi parfois. Et si à la faveur des discussions statutaires et des améliorations successives qui sont apportées au statut de notre pays, la Polynésie française joue parfois des coudes avec l’Etat, elle ne remet jamais en question l’attachement profond que lui portent les Polynésiens.

La Polynésie est française, et elle le restera encore longtemps, j’en suis certain, c’est notre volonté et celle d’une grande majorité des Polynésiens. Je n’ai aucun doute à ce sujet. Et ce n’est pas parce que nous abordons parfois des sujets qui fâchent que nos propos sont inamicaux ou hostiles. Bien au contraire, comme de vrais amis, nous agissons simplement en hommes et en femmes responsables et nous avons le devoir d’adopter le parler vrai.

Je voulais vous dire ces mots d’amitiés qui, j’en suis sur sont partagés par tous, et rendre hommage à votre action, et par delà votre personne, à la France.

***

Le budget de notre pays est un acte majeur. Il porte l’ambition d’un gouvernement avec qui nous devons partager, voire améliorer les propositions le cas échéant. Le débat budgétaire est le temps fort du débat démocratique.

La présentation du document d’orientation budgétaire, qui donne lieu à un débat, renforce cette démocratie participative en instaurant une discussion au sein de l’assemblée sur les orientations, les priorités et les évolutions du budget de la collectivité. Le débat est essentiel à cet exercice de transparence. Nous ne saurions nous affranchir de cette contrainte, ni nous en offusquer, au risque de détruire ce qui fait le socle même de la démocratie.

Pour que le débat ait tout son sens, il doit avoir lieu en amont du budget, afin que les représentants chargés de l’approuver, puissent réellement se l’approprier. J’ai reçu à l’assemblée le 23 juillet dernier, deux experts européens chargés de l’évaluation de la performance de la gestion des finances publiques selon le cadre PEFA.

Ils sont venus évaluer le processus d’élaboration budgétaire, depuis la phase de préparation du budget jusqu’à celle de son exécution.

Le cadre PEFA, acronyme anglais qui se traduit par « dépenses publiques et responsabilités financières », s’impose aux pays qui sollicitent des subventions européennes, ce qui est notre cas dans le cadre du FED, le fond européen de développement.

Les experts se sont attachés à mesurer le rôle de l’assemblée dans le processus d’adoption du budget du pays et le suivi de son exécution, en évaluant l’exhaustivité et la transparence des relations budgétaires entre le législatif et l’exécutif, ainsi que le caractère opérationnel de surveillance et de vérification exercé par le pouvoir législatif.

Les deux experts européens ont été étonnés de la manière dont se déroule l’examen du budget, et en un mot on peut résumer leurs impressions premières : doit faire mieux !

Ils ont raison.

Ils ont en particulier insisté sur la nécessité de préparer le budget dans le cadre du débat d’orientation budgétaire qui précède son adoption.

Par exemple, ils ont été étonnés que le budget 2015 de notre pays ait pu être approuvé en deux jours. Ils se sont notamment interrogés sur la manière dont il a pu être amendé et corrigé, désireux d’y relever les améliorations portées par le pouvoir législatif qui signe à leurs yeux l’effectivité du contrôle que doit exercer l’assemblée.

En un mot ils sont venus constater le processus démocratique qui accompagne le budget et ils n’ont pas été convaincus.

J’ai encore en souvenir les propos des uns et des autres à l’occasion du débat budgétaire de 2015, lorsque l’assemblée, d’un côté, a fait valoir ses arguments et proposé ses amendements, tandis que le gouvernement, de l’autre, arc bouté sur son budget, donnait l’impression de ne rien vouloir céder.

La presse a traduit ce débat, sain et naturel en soi, comme une partie de bras de fer entre l’exécutif et le législatif. Pire, une partie d’entre elle l’a présenté comme une volonté de l’assemblée d’entraver le gouvernement, de faire obstruction à son action, ce qui est évidemment totalement faux.

J’en veux pour preuve que le budget, à l’issue des débats a été adopté à l’unanimité des représentants de notre assemblée. Il en est allé de même pour le collectif budgétaire adopté lors de la session administrative.

C’est la première fois que le budget va être discuté dans la nouvelle configuration politique, née de la création d’un quatrième groupe au sein de notre assemblée. Force est de constater, en ce début de session budgétaire, qu’il n’existe plus de majorité formelle à l’assemblée, je veux dire par là, de majorité monobloc.

Cette situation qui n’est pas nouvelle n’a pas empêché l’assemblée de voter tous les textes jusqu’à présent.

Pour mémoire, et cet exercice n’est pas inutile, l’assemblée a approuvé :

un budget 2015, un contrat de projet Etat/Pays, un contrat de projet Etat/Pays/Communes, une convention sur le RST signée avec l’Etat, un collectif budgétaire 2015 approuvé dans toutes ses modifications. Et les 90 délibérations ou loi de pays présentés au vote des représentants au cours des sessions de l’assemblée.

TOUT A ETE VOTE, TOUT, ABSOLUMENT TOUT.

C’est la preuve que les représentants, et je parle bien de tous les représentants, toutes tendances politiques confondues, ont su faire preuve de responsabilité. Il n’y a aucune raison pour que cela change. Je suppose, qu’à nouveau, le débat budgétaire de cette année sera animé, et je m’en réjouis.

Cela signifie deux choses ; d’abord que notre démocratie fonctionne, ensuite que nos élus s’impliquent et cherchent réellement à apporter leur contribution à l’édifice commun qu’est le budget ; car au final, entre ceux qui l’ont élaboré et ceux qui l’ont voté, il s’agit bien d’un édifice commun et d’une responsabilité partagée, de sorte que le budget une fois adopté devient le budget de la Polynésie française, il n’est plus le budget d’un gouvernement ou celui d’un homme, c’est le budget du pays.

En effet, le budget n’est pas la propriété des techniciens qui le construisent. Il est avant tout l’œuvre d’une volonté politique.

C’est ce qui doit primer.

Cette volonté politique s’exprime de deux manières, à la fois dans le budget qui traduit les orientations du gouvernement dont il émane, et également, dans les améliorations, voire les modifications, que peuvent apporter les représentants en déposant des amendements lors du débat budgétaire.

Je reste persuadé que chacun a le souci de bien faire, de faire mieux, de veiller à l’intérêt général, et que le gouvernement saura entendre autant que nécessaire les améliorations qui pourraient être apportées au budget de notre pays dans le cadre du débat d’orientation budgétaire, et lors du vote qui doit intervenir au plus tard le 15 décembre prochain.

Je note sur ce sujet une convergence de point de vue importante avec le Monsieur le Haut Commissaire qui estimait, pas plus tard qu’hier qu’un budget amendé n’est pas forcément un budget défiguré ou dénaturé. J’invite naturellement le gouvernement à s’associer à cette convergence des points de vue afin que nous ayons un débat budgétaire qui ait du sens et qui soit apaisé.

Le ministre des finances a promis que le projet de budget 2016 serait plus clair, et que la nouvelle procédure qu’il a mise en place, devrait faciliter les débats en rendant plus visibles les politiques sectorielles du budget 2016.

Nous avons pris au mot la réflexion du vice-président qui commentait le 16 juillet dernier ces nouvelles règles de présentation budgétaires. A cette occasion, il suggérait d’ajouter un tome dans la fameuse collection thématique « Pour les nuls », en écrivant « un budget pour les nuls » !

Peut-être pensait-il aux élus de notre assemblée, puisqu’il reconnaît lui-même que le budget transmis à l’assemblée, je le cite : «est un budget au caractère artificiel, donnant lieu à un débat qui n’est plus rationnel ».

Le ministre du budget rajoute et je le cite encore : « le budget fait l’objet de critiques des représentants depuis de nombreuses années qui, devant le manque de cohérence des chiffres, ont bien du mal à se prononcer sur une politique sectorielle, transformant l’examen du budget en un faux débat où dominent les monologues des ministres. »

A titre personnel, Monsieur le Vice-président, je me réjouis si la nouvelle présentation qui sera faite du budget à l’occasion de cette session permettra d’avoir effectivement un débat de meilleure qualité. Je souscris à cette préoccupation.

Au-delà des bons mots, je regarde les faits et je vous renvoie à cette pensée du Dalaï Lama : « si tu veux connaître quelqu’un, n’écoute pas ce qu’il dit mais regarde ce qu’il fait » ! Un dicton populaire complète cette pensée : « c’est au pied du mur qu’on voit le maçon ».

Et au pied du mur, nous y sommes.

Dans le cadre de ses prérogatives, l’assemblée a proposé la création d’une commission d’enquête sur la fiscalité. Une fois de plus cette démarche est mal perçue par certains qui y voient une nouvelle incursion du législatif dans les prérogatives de l’exécutif.

Il ne s’agit pas du tout d’une démarche inquisitoriale, et encore moins d’empêcher le gouvernement d’agir, comme j’ai pu l’entendre.

Il s’agit au contraire d’une démarche opportune et saine.

Elle doit permettre aux représentants de notre assemblée, dans toutes ses composantes politiques, de mieux accompagner le débat budgétaire en ayant une meilleure compréhension du mille-feuille fiscal actuel, au moment où le gouvernement annonce des réformes.

Le but est simplement de permettre à nos élus de mieux appréhender la matière fiscale qui est complexe, comme le disait le vice-président lui-même, pour mieux apprécier l’opportunité, l’ampleur et l’impact des réformes qui pourraient être proposées à notre vote.

Je voudrais qu’on me dise ce qu’il y a de choquant dans cette démarche ?

***

Nous sommes au pied du mur disais-je. Alors, permettez-moi de m’y attarder !

Le budget est toujours voté en équilibre pour être sincère, et il traduit les contraintes de rigueur qui s’imposent à nous dans une économie qui reste atone, alors que la relance attendue et promise ne fait toujours pas sentir ses effets. Cette situation de crise qui dure place notre pays en grande difficulté.

La confiance ne se décrète pas, elle se construit, elle se façonne, et si, en dépit des annonces prometteuses elle ne parvient pas à prendre racine, c’est que quelque part l’alchimie nécessaire ne se fait pas.

La confiance c’est aussi savoir entendre, savoir être à l’écoute, réellement.

La confiance est un des leviers de la croissance. Il ne faut pas se mentir à nous-mêmes, la crise mondiale que l’on invoque fréquemment ne doit pas être l’arbre qui cache la foret, car la crise mondiale, par définition, s’impose au monde entier.

Pourtant, pour ne parler que de notre région, cela n’empêche pas certains de nos voisins de connaître une croissance qui fait envie, comme c’est le cas de Fiji qui atteint cette année le cap de 800.000 touristes, alors que Fiji était encore à 400.000 touristes il y a 10 ans à peine. Ils ont doublé leur fréquentation tandis que la nôtre a reculé.

Nous n’avons pas su profiter de la croissance du tourisme mondial, contrairement à nos voisins. Bientôt, la Nouvelle Calédonie dont la vocation première n’est pas le tourisme, va également nous rattraper avec une perspective affichée de 150.000 touristes, là où nous atteignons à peine 180.000 touristes, croisiéristes inclus. Nos voisins progressent de manière notable puisqu’on recense 122.000 touristes aux Cook, 126.000 aux Samoa ou encore 102.000 au Vanuatu, des destinations moins emblématiques que la Polynésie française.

Plus surement que dans la crise mondiale, les raisons de notre crise se trouvent ailleurs. Pourtant ce n’est ni une question de moyens, ni une question de capacités ou d’offre de sièges. Je ne veux pas faire ici un diagnostic des causes de nos échecs, mais indiquer que ce secteur essentiel de notre économie traduit d’autres difficultés que la soi-disant crise mondiale.

Récemment j’ai lu qu’un jeune chef d’entreprise, que nous connaissons bien, et qui fut un temps président du GIE Tahiti Tourisme, a décidé de quitter la Polynésie pour s’installer en Nouvelle Calédonie. Nos voisins calédoniens lui ont confié une mission de conseil pour le développement de leur tourisme.

Tandis que nous, nous sommes allé chercher un cabinet calédonien, peu connu et peu référencé, que nous avons payé très cher pour nous aider à développer notre tourisme.

Au final, ce cabinet a rendu un rapport qui est une compilation des préconisations précédentes, dont celles formulées par le COST, le conseil d’orientation stratégique du tourisme, alors que ce chef d’entreprise était ministre du tourisme en 2010. Avouez que le paradoxe mérite d’être souligné et il doit nous interroger : pourquoi n’avons nous pas confiance dans nos propres compétences ? Pourquoi chercher ailleurs ce qui se trouve peut-être déjà chez nous ?

Je laisse le gouvernement, les représentants et les professionnels du tourisme apprécier les conclusions et les recommandations de ce cabinet calédonien qui me semblent enfoncer pas mal de portes ouvertes, si j’en crois le peu que j’ai pu en lire dans la presse.

Je relève au passage, qu’une fois encore, c’est par la presse que les représentants prennent connaissance des grands dossiers qui sont initiés, comme ce fut le cas pour le schéma d’organisation sanitaire publié dans un hebdomadaire et que nous n’avons toujours pas.

J’espère qu’il n’en sera pas de même pour la PSG.

Les journalistes font leur travail et je n’ai rien à redire à ce sujet, mais je ne veux pas croire que la nouvelle gouvernance dont on nous parle consiste à prendre l’habitude d’informer les représentants de l’assemblée par les médias.

De la même manière le gouvernement a confié à un regroupement de cabinets économiques fiscaux et juridiques, l’élaboration et le suivi du grand projet Tahiti Mahana Beach.

Il s’agit des cabinets Ernst Young – Egis – Horwarth HTL et Hogan Lovels, que nous avons reçu à l’assemblée le 26 mars dernier en présence des présidents de groupes, à la demande du gouvernement.

Pour l’heure on nous assure que tout avance normalement.

Ce projet Tahiti Mahana Beach, mais aussi celui d’Atimaono, sont devenus emblématiques de la relance tant attendue et je suis ravi de la manière dont la population s’est appropriée ces projets et y croit. Le Tahiti Mahana Beach doit s’inscrire au cœur de notre nouvelle stratégie de développement. Si nous échouons, nous nous effacerons durablement derrière d’autres destinations pourtant moins prestigieuses.

Pour ma part, je crois en notre pays, en son avenir, en nos capacités, en nos ressources, en nos talents et en notre jeunesse qui porte notre avenir. L’économie c’est un peu comme le panier de la ménagère, si de bons ingrédients s’y trouvent, la qualité du plat dépend surtout du talent du Chef.

C’est cela la confiance, c’est la capacité à valoriser nos atouts, à en extraire le meilleur pour créer le socle durable de notre prospérité commune.

Je ne sous estime pas l’ampleur de la tâche, loin de là, mais je reprendrai ce proverbe indien qui dit : « n’accuse pas le puits d’être trop profond, c’est ta corde qui est trop courte » ; une belle image qui signifie simplement que l’action doit être à la hauteur des enjeux.

La situation à laquelle nous sommes confrontés se résume en un mot : l’urgence. Cette urgence requiert courage et audace, elle nécessite méthode et transparence.

Chers amis, nous avons besoin de savoir où nous allons, comment nous y allons.

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Voilà un an déjà, le 12 septembre 2014, que le gouvernement est entré en action.

Les indicateurs restent très timides, même si récemment le chiffre du PIB a connu une légère hausse de 1% en 2014.

Nous voudrions croire que ce frémissement est durable, mais en réalité, précise l’institut de la statistique de Polynésie française, il est lié à « la relance de la commande publique initiée en 2013 et en 2014. Toutefois, cette croissance n’est pas encore suffisante pour alimenter une reprise des embauches dans le secteur marchand ».

De son côté, l’institut d’émission d’outre-mer dans sa note de conjoncture parue en septembre 2015 indique que « le climat des affaires connaît un rebond de 1,3%. Cet affermissement de l’indicateur, après deux trimestres de repli suivis d’une période de stabilisation, reflète un léger regain de l’activité´ au cours du trimestre écoule´, atténuant un début d’année mal oriente´. La consommation des ménages est mieux orientée ce trimestre…, l’investissement se redresse…, l’emploi salarié progresse. L’activité est en revanche stable dans le BTP, alors qu’elle ralentit dans le primaire et le commerce. »

Si certains indicateurs traduisent un léger frémissement, nous voyons tous combien la conjoncture demeure encore très fragile.

En mai 2015, l’agence de notation Standard & Poor’s a maintenu la note BB+ de la Polynésie française, mais en dégradant la perspective de « positive à stable ».

Ce pessimisme qui va à contre courant des attentes que le pays a nourries suite à ses efforts de redressement, s’explique selon l’agence par « la recomposition du paysage politique et une économie toujours fragile ».

Comment penser que l’agence de notation, qui rendra sa prochaine note en novembre, ait pu se forger au travers des récentes déclarations politiques, dont celles de la ministre des outre-mer qui évoquait le scénario d’une dissolution, les convictions nécessaires pour corriger son analyse ?

Je renouvelle au président Edouard FRITCH, ma proposition d’être l’interface qui permettra d’assurer une meilleure coordination entre le gouvernement et l’assemblée.

***

Nous devons bien constater que la fracture sociale se creuse et elle est bien plus grave que la fracture politique. Je souhaite que les clivages politiques ne prennent pas le dessus sur l‘intérêt général. Il en va de notre responsabilité à tous.

La misère s’enracine dans les foyers et gagne toujours du terrain, c’est une réalité, et avec elle, la peur de tomber dedans gagne de nombreuses familles inquiètes pour leur avenir, inquiètes de ne pas trouver du travail.

La précarité fragilise le tissu familial et le tissu social. Presque tout le monde connaît dans son entourage quelqu’un qui a perdu son emploi, un père, une mère qui ne parvient plus à subvenir aux besoins de sa famille, sans compter les jeunes, victimes du désœuvrement, inquiets, privés de perspectives quand bien même ils sont diplômés, car le diplôme ne met plus à l’abri de la précarité.

Notre société polynésienne devient profondément inégalitaire et la solidarité que nous avons mise en place à l’égard des plus démunis ne repose en réalité que sur la capacité de ceux qui ont un travail à financer cet effort commun.

Mais nous voyons bien que nous sommes arrivés au bout de notre logique, au bout de notre système, qui ne tient que si la croissance est là pour le supporter.

Nous sommes à la croisée des chemins.

Autant que faire se peut nous devons préserver les acquis sociaux, mais nous devons aussi consentir des efforts lorsque c’est nécessaire. Les revendications de certains de nos concitoyens qui consistent à demander toujours plus alors qu’ils bénéficient déjà d’avantages et de protections, passent mal alors que la fracture sociale se creuse et qu’un nombre croissant d’entre les nôtres ne dispose plus du minimum vital et vit sous le seuil de pauvreté généralement admis.

Ils étaient 10.660 ménages dans la seule zone urbaine de Tahiti à vivre avec moins de 51.470 FCFP par mois, montant retenu comme le seuil de pauvreté relative pour un ménage en Polynésie française. Ce sont là les chiffres de l’institut de la statistique de Polynésie française de 2010, date de la dernière enquête sur les familles.

La prochaine enquête est en cours, et je crains que les chiffres qui en sortiront traduisent une dégradation de la situation.

Il n’est que de constater que les ressortissants enregistrés au RST sont plus de 70.000.

Faut-il le rappeler, c’est cette situation qui a conduit le gouvernement auquel j’ai appartenu à prendre des mesures d’urgences en faveur des plus démunis dès 2013.

On peut rappeler le relèvement des minimums sociaux de 7.000 à 10.000 FCFP par mois, la création du Tauturu Utua Fare, ou encore l’ouverture d’un centre d’hébergement d’urgence en faveur des SDF pour assurer un toit et un minimum de dignité aux exclus de notre société toujours plus nombreux.

Pour bien faire, il faudrait aujourd’hui un deuxième centre d’hébergement pour y faire face.

Mais ces mesures, parmi lesquelles les fameux CAE, n’étaient faites que pour l’urgence, il fallait aller plus vite. Cela demande des moyens, c’est vrai.

Le fond pour l’emploi et la lutte contre la pauvreté a été créé à cet effet. Accompagné d’économies réelles et d’un assainissement des comptes publics, il devait nous permettre de préserver cette solidarité avec les plus démunis en attendant que soient organisées les conditions de la relance de notre économie, génératrices d’emplois durables et de croissance.

Si nous arrivons à relancer l’économie et à créer les emplois attendus, nous pourrons alors préserver l’essentiel de nos acquis grâce au retour de la croissance.

Si nous échouons et que nous continuons à détruire les emplois, nous devrons alors rechercher rapidement des économies majeures afin que la diminution de nos recettes puisse couvrir nos dépenses.

Inutile de se voiler la face, telle est la réalité qui nous attend.

Et dans cette course contre la montre, car c’en est une, nous avons perdu beaucoup de temps.

La PSG est le grand chantier qui nous attend, elle est au cœur de cette préoccupation car elle est l’expression de notre solidarité. Je veux dire au gouvernement qu’il n’est pas seul pour affronter ce défi, il doit s’appuyer sur l’assemblée, non pas seulement en bout de course pour faire voter les mesures qu’il aura décidé tout seul, mais pour associer les élus à la réflexion commune, afin qu’ils soient force de proposition, car au final ce sont eux qui devront voter ces mesures difficiles, voire impopulaires et en assumer la responsabilité devant les électeurs.

Mais je voudrais également dire aux représentants qui sont associés aux réflexions du gouvernement, qu’ils doivent partager.

La préoccupation de la transparence va dans les deux sens, et les élus de l’assemblée qui participent aux travaux avec le gouvernement y sont, non pas au titre de leurs groupes respectifs, mais au titre de l’assemblée.

Il leur appartient donc de partager ce travail, de le restituer aux autres représentants.

Il me semble donc que le gouvernement dispose de tous les moyens qu’il a demandés pour agir, et que, ce faisant, l’assemblée a joué son rôle et a apporté sa part.

Nous revenions déjà de si loin en 2013 et pourtant, en 2015, il faut bien constater que la route s’allonge encore.

C’est l’objet du plan de relance, véritable feuille de route dont nous n’entendons plus parler. A-t-on jeté le plan pour un autre ? Si tel est le cas, est-on certain que la nouvelle route est meilleure que l’ancienne ?

Je ne saurai répondre à ces interrogations.

Lorsque j’observe aujourd’hui les conditions dans lesquelles s’exerce le débat à l’Assemblée nationale et le fait que le Premier ministre soit obligé de faire usage du 49-3 pour faire passer ses réformes et contourner l’hostilité d’une partie de sa majorité, je me dis que nous n’en sommes pas là en Polynésie française.

Pour autant, personne dans l’hexagone ne parle de blocage, même pas les ministres du gouvernement de Monsieur VALLS, ou même n’invoque une dissolution de l’Assemblée nationale. Chez nous, nous en sommes bien loin, et pourtant on nous accuse des pires intentions. Je ne reviendrais pas sur les récents propos de Madame la ministre des Outremers qui m’ont interpellé, sinon pour dire qu’ils ne correspondent pas à la réalité politique locale. J’ai eu l’occasion de le lui dire dans une lettre que je lui ai adressée.

Quand bien même la majorité s’est fracturée, et je le regrette profondément, l’assemblée dans sa diversité d’expression, je dis bien dans toutes ses composantes politiques, a fait preuve de responsabilité.

Je veille moi-même au bon fonctionnement de nos institutions en replaçant l’Assemblée de la Polynésie française dans son rôle. Le droit d’amendement et le droit d’initiative constituent l’essence même du mandat populaire dans le système parlementaire qui est le nôtre.

Or, c’est ce qui est aujourd’hui contesté à une partie des élus de notre assemblée par ceux-là même qui voudraient la réduire à une simple chambre d’enregistrement.

Je dis attention, le débat démocratique est nécessaire et sain, c’est de lui et de lui seul que l‘intérêt général peut se prévaloir comme tel.

Notre assemblée est élue pour défendre les intérêts de notre pays et de notre population autant que nécessaire. Lui dénier ce rôle n’est simplement pas possible. Je vous le rappelle, notre assemblée, est la seule institution de notre pays à être élue au suffrage universel.

Elle n’est pas élue pour dire simplement « oui ou non », ou pour faire semblant d’être « intelligente » en tenant le rôle d’une parfaite potiche qui se contenterait de sourire et de dire « oui ».

A chaque fois que nécessaire, je veillerai à ce que la représentation de notre peuple puisse s’exprimer en toute légitimité, dans le cadre de ses prérogatives, surtout lorsque les décisions qu’on lui demande de prendre engagent son avenir durablement et entrainent des conséquences qui devront être supportées par toute la population.

Tel est en effet le cas de la convention sur le RST que nous avons étudiée ici. Et quoi qu’en pensent certains, l’assemblée était pleinement dans son rôle.

Et je veillerai à ce qu’elle le reste, ni plus, ni moins

***

On ne peut se projeter dans l’avenir sans regarder son passé

Je crois résolument dans mon pays, et dans son potentiel extraordinaire. Dans un monde qui change, l’isolement et l’éloignement qui furent des handicaps seront peut-être des atouts pour l’avenir. Il nous appartient d’en faire des atouts au bénéfice des Polynésiens. Nos réserves maritimes sont peu exploitées, les sols de notre immense ZEE sont riches en métaux rares, nos îles demeurent magnifiques et notre population attachante.

Le sommet de la terre, le COP21, se tiendra à Paris en décembre. Je me réjouis de la signature commune de la déclaration de Taputapuatea entre tous les pays polynésiens. Le fait de parler d’une même voix nous permettra peut-être d’être mieux entendu des grandes puissances de ce monde, pour leur dire que leur course effrénée au « toujours plus » menace notre maison commune.

Barack Obama, le président des Etas Unis, présentait récemment son plan contre la grande menace du réchauffement climatique, et il disait fort justement ce que nous savons tous : « la Terre est notre unique maison, nous n’en n’avons pas d’autres ».

Je voudrais le citer brièvement : «Il n’y a pas de défi qui pose une plus grande menace pour notre avenir et pour les générations futures que le changement climatique. Voilà l’un des rares cas, de par son ampleur, de par sa portée, qui, si nous ne le réglons pas, ne pourra pas être inversé. Et nous ne pourrons probablement pas nous adapter suffisamment ». Fin de citation.

Notre responsabilité est grande, car nous sommes probablement la dernière génération à pouvoir agir avant qu’il ne soit trop tard. Notre responsabilité est commune, et chacun d’entre nous doit prendre sa part.

Il me semble utile d’indiquer que la lutte contre le réchauffement climatique n’est pas une page blanche que l’on commencerait seulement à écrire.

Je voudrais rappeler que notre assemblée a déjà pris position sur cette question essentielle.

Une première fois, le 25 novembre 2008. Ce jour là, elle a adopté une résolution « demandant d’inscrire au titre des priorités de la Nation française, la montée des eaux, le réchauffement climatique et leurs impacts sur les atolls, les littoraux et les îles hautes de Polynésie française, et d’y consacrer les ressources nécessaires. »

Une seconde fois, le 13 aout 2012. Ce jour-là, elle a adopté la loi de pays modifiant le code de l’aménagement dans le cadre de l’élaboration du SAGE, le schéma d’aménagement général de la Polynésie française. Elle y a fait préciser en son article 111-3, que le SAGE « prend en compte les problématiques du réchauffement climatique, ainsi que la place de la Polynésie française au sein de son environnement régional. »

Ces deux exemples démontrent que notre assemblée, pleinement consciente des enjeux qui feront l’objet des débats lors du COP21 en décembre prochain à Paris, s’est déjà impliquée pour faire entendre la voix des Polynésiens auprès de la France et ses instances internationales, mais aussi pour organiser la manière dont nous devons intégrer la menace du réchauffement climatique.

Et si la France joue un rôle important dans la mobilisation des volontés internationales pour trouver des solutions réelles et efficaces, elle ne doit pas oublier les dossiers qui sont les siens, et le dossier nucléaire en fait partie car il représente un héritage considérable que nous laissons aux générations futures. Cet héritage représente une menace environnementale majeure pour notre avenir, car il vient s’ajouter à la montée des eaux et aux bouleversements en tout genre qui accompagneront inéluctablement le réchauffement climatique.

Nous devons regarder notre avenir avec lucidité, être conscients de nos forces et les valoriser ; être tout aussi conscients de nos faiblesses, et les corriger.

La fonction qui m’a été confiée me permet d’agir et je compte bien le faire dans le cadre des compétences que la loi accorde à notre institution, et à ce titre, je revendique pour notre assemblée le droit d’initiative.

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Notre pays est notre maison à nous, la seule que nous ayons, celle que nous allons laisser à nos enfants.

Demandons-nous, quel pays allons-nous leur laisser ?

Devront-ils s’exiler pour trouver leur place ?

Ou au contraire, trouveront-ils chez eux les moyens de s’épanouir ?

Je ne parle pas seulement d’emplois, je parle d’éducation, de santé, de qualité de vie, de sécurité, d’ouverture au monde.

C’est mon souhait que je vous laisse en partage, et c’est ce qui m’apparait devoir guider notre action et justifier notre rôle, car c’est cela veiller à l’intérêt général.

Telle est bien la mission qui nous a été confié par ceux qui nous ont choisis et je compte la respecter.

En vous disant cela, je fais acte de foi dans l‘avenir. Je crois résolument dans mon pays, disais-je tantôt. Je crois résolument dans son avenir et dans notre jeunesse qui va porter nos espérances.

Je forme le vœu que ces beaux mots ne soient pas vains…

Je vous dis cela, car récemment, plusieurs évènements m’ont interpelé, choqué même. Cette semaine, un jeune homme a perdu la vie. Cette tragédie m’émeut, comme je crois qu’elle émeut le pays tout entier.

Ce jeune homme qui aimait la vie et qui était d’une générosité incroyable a été sauvagement battu. Ce n’est pas un accident de la route, qui serait le fruit du hasard ou de l’imprudence, non, c’est un acte totalement gratuit, sauvage, qui met en scène notre jeunesse.

Comment comprendre ce qui s’est passé ? Comment accepter une telle violence gratuite ?

On nous fournira probablement des quantités d’explications, sensées et recevables. Chacune d’entre elle représente une part de la vérité, mais aucune d’entre elle ne permet de justifier qu’une telle brutalité ait pu se déchaîner.

Monsieur le président, vous avez qualifié cela de bestialité. Oui, c’est bien ça.

Pour ma part, j’y vois le signe que cette jeunesse, notre jeunesse, est en perte de repères.

Nous devons prendre conscience qu’une réalité qui nous dépasse existe à nos portes ? Comme vous, j’ai entendu l’appel et les propos digne, malgré la douleur et la colère, du père de la victime.

Ce qui est arrivé peut arriver à n’importe qui d’entre nous, à nous-même, à nos propres enfants, à nos proches.

L’actualité récente nous en donne de multiples exemples. La bagarre générale entre les quartiers Estall et Paraita à Papeete, il n’y a pas si longtemps, les rixes à répétitions à Outumaoro. Ou encore ce jeune qui s’est fait récemment agresser devant la cathédrale en plein jour en plein coeur de la ville, et qui s’est fait vandaliser et rouer de coups pour un simple téléphone portable. Lui aussi aurait pu en mourir.

Et ces exemples sont probablement les arbres qui cachent la foret, car tant d’autres situations similaires se produisent dans notre pays.

Comment expliquer une telle violence, rentrée, prête à exploser à la première étincelle ? Le décrochage scolaire ? Le manque de perspective ? L’absence d’emplois ? La promiscuité dans les familles ? Le recul des valeurs ? L’éclatement de la cellule familiale ?

Des familles en grandes difficulté et toujours plus nombreuses qui ne parviennent plus à s’occuper de leurs enfants ? L’absence de loisirs ? Le manque d’occupation ? La dérive des jeux en ligne, toujours plus violents ? L’alcool, la drogue, le cannabis, le komo puaka ?

Sans doute, un peu de tout cela. Les causes sont multiples et s’additionnent, parfois les causes se mélangent aux conséquences et vice-versa.

Nous devons nous attaquer aux causes. Ce qui se passe est la résultante d’une société qui change, qui perd ses repères et ses valeurs, c’est la résultante de plusieurs années de perte d’espoir. Je n’accuse personne. Je fais un constat qui pourrait sans aucun doute se faire ailleurs.

Mais cela le rend t’il plus banal ? Plus excusable ? Moins urgent ? Surement pas.

Nous avons tous pensé que notre société Polynésienne, que d’aucun disent plus solidaire, plus ancrée dans les valeurs familiales et surtout chrétiennes, nous mettrait à l’abri de telles violences.

C’est une illusion ! Non pas que ce socle sociétal polynésien n’existe plus, loin s’en faut, mais il se fragilise, il se fend sous les coups de boutoirs de la misère sociale et de l’absence de perspectives, il se fend parce que la fracture sociale se creuse.

En disant cela, je fais aussi le constat de nos limites. Des moyens sont mis en oeuvre, par le pays, par l’Etat et par les communes. C’est d’ailleurs le thème du congrès des maires qui se tient actuellement. Nos Tavana sont les premiers confrontés à cette misère sociale. Ils demandent aujourd’hui plus de moyens, et ils ont raison. Les pouvoirs publics ne restent pas inactifs et il faut également saluer la mobilisation du monde associatif et le rôle majeur que jouent les Eglises sans l’accompagnement des familles et le maintien de la cellule familiale. Mais de toute évidence, cela ne suffit pas. Cependant, je crois en la conscience et en la volonté, celles qui constituent notre responsabilité.

Alors, que faut-il faire ? Franchement, nous devons prendre ce problème à bras le corps. La société toute entière doit se mobiliser. Je suis persuadé que, seul, aucun d’entre nous n’y parviendra. Ensemble, nous avons quelques chances de pouvoir agir utilement.

Si individuellement et collectivement, nous ne prenons pas conscience de notre responsabilité, nous devrons alors nous résoudre à voir notre société se déliter progressivement. Si nous baissons les bras maintenant, nous aurons échoué dans ce qui fait notre raison d’être ici : bâtir une société qui sache préserver notre capacité à vivre ensemble. Nous sommes confrontés à un enjeu de société !

Chacun de nous, à son niveau, est acteur de la société, la population comme les décideurs, mais dans le cas présent, c’est tous ensemble que nous devons agir. Je ne parle pas ici de politique. Ce n’est pas un problème politique, c’est un problème humain.

Alors oui, je suis bouleversé et triste par la mort de ce jeune homme. Ce drame qui affecte sa famille, et les familles de ces agresseurs qui voient leur vie basculer à leur tour, toutes ces vies gâchées, toute cette jeunesse perdue, nous interpellent sur les bouleversements qui affectent notre société polynésienne, et nous interrogent sur le sens de notre présence ici même.

Le pays souffre. Notre population est en détresse. Notre jeunesse qui porte notre avenir est en souffrance.

Je disais tantôt que la fracture sociale est plus importante que la fracture politique. Bien évidemment.

Ne nous trompons pas de combat. Ne restons pas enfermé dans nos petites querelles politiciennes. Que valent nos divisions face à de telles tragédies ? Que valent les enjeux du pouvoir, si au bout du compte, le pouvoir failli à sa mission première, c'est-à-dire, nous permettre de vivre ensemble en harmonie.

Bien sur les idées comptent. Les divergences fondent la richesse et la diversité. Chacun de nous veut démontrer à l’autre qu’il a raison, mais face à ces tragédies, il faut bien admettre que nous avons tous torts ! Ces drames, cette sauvagerie, cette barbarie, doivent nous interpeller.

Ils doivent surtout nous obliger à converger vers l’urgence. L’humain doit transcender le politique.

Maururu ite fa’aro ra’a mai,

Ia orana

Discours du président de l’Assemblée de la Polynésie française Ouverture de la session budgétaire -17 septembre 2015

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