Discours de M.Oscar TEMARU, Président de la Polynésie française, à l'occasion de l'ouverture de la session budgétaire
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Monsieur le Président de l'Assemblée de la Polynésie française,
Monsieur le Sénateur,
Monsieur le Vice-président,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les représentants,
Mesdames et Messieurs,
Iaorana.
A l'occasion de l'ouverture de la session budgétaire
de notre Assemblée, il m'est demandé de vous
présenter les grandes orientations de la politique
économique, sociale et culturelle de mon
gouvernement qui doivent se retrouver dans le projet de budget 2008 de notre Pays.
C'est ce que fera le vice-président, en tant que
ministre des finances, lors de la présentation
prochaine du projet de budget 2008.
Je veux, pour ma part, dans cette enceinte de la
représentation territoriale de notre Pays et de notre
Peuple, aborder solennellement l'aspect politique et institutionnel du contexte, non seulement de ce
projet de budget 2008, mais aussi de la conduite
des affaires de notre Pays.
J'ai précisé, en effet, lors de mon discours de
candidature à la présidence du Pays, qu'il était
illusoire de prendre des engagements, précis et
durables, pour mon futur gouvernement, sans que ne soient levées les contraintes du calendrier
institutionnel, préparé et imposé par la rue Oudinot.
Toute constitution d'un gouvernement s'inscrit, en principe, dans le temps. Or, mon gouvernement vient à peine d'être mis en place que l'Etat me fait déjà savoir, par voie de presse, que je dois le saborder dans quelques semaines ! De quelle farce institutionnelle s'agit-il ?
Veut-on nous foire jouer une comédie du pouvoir dans laquelle nous serions des marionnettes dont les ficelles seraient tirées par Paris ? Où est le respect du vote des élus au sein de notre Assemblée ?
Le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, Monsieur Christian ESTROSI, m'a assuré personnellement, vouloir travailler, en transparence et sans parti pris, avec le nouveau gouvernement de la Polynésie, quelque soit le résultat de l'élection du Président du Pays.
Or, il s'est empressé d'annoncer, juste après mon élection, que seront entreprises, dans les trois mois à venir, une réforme statutaire, une nouvelle loi électorale ainsi que des élections territoriales anticipées programmées en janvier 2008, soit deux mois à peine avant les élections municipales de mars 2008 !
Pourtant, l'application des lois électorales, en France métropolitaine, a toujours écarté l'organisation de toute élection dans les six mois qui précèdent les municipales !
Pourquoi deux poids et deux mesures ? Ces dispositions électorales, logiques et de bon sens, ne s'appliqueraient-elles, en l'occurrence, que pour les citoyens français de France métropolitaine ? Serions-nous, dans l'outre-mer, des sous-citoyens français ?
Gaston TONG SANG, lui-même, lorsqu'il était Président du Pays, avait écarté l'idée d'élections territoriales anticipées d'ici la fin de l'année et avait proposé qu'elles soient organisées après les municipales de mars 2008, si une dissolution de l'Assemblée devait être prononcée.
Pourquoi confondre vitesse et précipitation ? Pourquoi ne pas prendre le temps d'examiner, ensemble, et avec l'Etat, calmement et mûrement, des réformes aussi fondamentales qui engagent l'avenir de notre Pays et de notre population !
Nous venons juste de sortir de deux élections importantes au plan national : les présidentielles et les législatives, lesquelles ont mobilisé et remobilisé tous les électeurs et tous les partis politiques locaux, dans une campagne, longue et coûteuse, sur un territoire aussi vaste que toute l'Europe occidentale !
Ces élections, les unes après les autres, n'ont fait que démontrer la prééminence des deux formations politiques polynésiennes que sont : l'UPLD et le TAHOERAA HUIRAÂTIRA.
Et l'on nous demande de refaire encore deux élections consécutives dans les tout prochains mois !
Soyons clairs et sérieux !
La loi ne prévoit le retour aux urnes qu'en fin de mandat des élus et qu'en cas de blocage des institutions.
Monsieur Gaston TONG SANG, lorsqu'il était Président du Pays, a toujours fait valoir qu'il n'y avait aucune raison que lui-même et son gouvernement ne puissent aller jusqu'au terme du mandat de l'Assemblée, fixé à 2009 par la loi, s'il n'y avait pas instabilité politique ou blocage des institutions.
Je comprends l'impatience, désormais, de Monsieur Gaston SANG et de ses amis qui espèrent que le peuple leur donnera le pouvoir après l'avoir perdu. De toute façon, ils n'ont plus rien à perdre !
Mais vouloir changer les règles du jeu, chaque fois que l'on perd, cela s'appelle tricher !
Il faut jouer le jeu des institutions et des alliances jusqu'au terme du mandat prévu au départ par le législateur. C'est l'expression même de la démocratie parlementaire.
Les électeurs, naturellement, s'exprimeront dans les cas et délais prévus par la loi pour chaque type
d'élection.
Il convient d'ailleurs, dans ce contexte, de mettre en exergue la singularité et l'hypocrisie de la situation politique dans laquelle nous nous trouvons !
Tout se passe, en effet, comme si nos adversaires, et même l'Etat français, n'arrivent pas à accepter que je puisse, avec les élus de l'UPLD, gouverner notre Pays.
Aurait-on oublié que les Polynésiens nous ont donné, à deux reprises, aux élections territoriales générales de 2004 et aux élections partielles de 2005, une victoire incontestable ?
Ma légitimité provient du vote des Polynésiens, ce que semblent négliger nos adversaires et détracteurs !
Avec le soutien du TAHOERAA HUIRAÂTIRA, libre de pratiquer une opposition constructive, s'il le souhaite, au sein de cette Assemblée, cette légitimité n'en est que plus grande !
Nous avons, tous partis politiques confondus, accepté de demander la dissolution de notre Assemblée si une instabilité politique grave bloquait le fonctionnement de nos institutions. Instabilité qui commençait à se produire avec le gouvernement TONG SANG qui ne disposait pas de majorité réelle.
J'ai d'ailleurs écrit à Monsieur ESTROSI que si cette situation d'instabilité politique due au rejet de Gaston TONG SANG par le TAHOERAA devait perdurer, il faudrait envisager d'organiser rapidement de nouvelles élections territoriales.
Mais la situation politique a changé radicalement et elle n'est plus comparable à celle citée précédemment, ce dont aurait dû tenir compte le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Ainsi, depuis ma nouvelle élection, en tant que Président du Pays, par les élus territoriaux, un pacte majoritaire, unissant les deux plus grands groupes politiques de : notre Pays au sein de l'Assemblée, a permis de dégager une majorité partenariale, de 44 représentants sur 57 élus composant l'Assemblée de la Polynésie !
Cette très large majorité a été mise en place pour lutter contre l'instabilité politique précédente et obtenir, par le dialogue et le respect mutuel, des positions consensuelles sur les grands dossiers budgétaires ou réglementaires, lesquels seront étudiés par l'ensemble des élus, chaque groupe politique conservant ses convictions idéologiques.
Une majorité solide, composée des 2/3 des élus, existe désormais au sein de notre Assemblée, contrairement au précédent gouvernement. Alors, où est le blocage institutionnel ?
Le Président du Pays a été élu démocratiquement. Le gouvernement du Pays fonctionne. L'Assemblée de la Polynésie française fonctionne. Le CESC fonctionne. Les services et les établissements publics territoriaux fonctionnent. Les entreprises fonctionnent. Le Haut-Commissariat de la République et les services de l'Etat fonctionnent. Où est donc le blocage des institutions ?
En Nouvelle-Calédonie, les indépendantistes et les autonomistes se sont mis ensemble pour gouverner leur Pays, ce qui a entraîné la paix sociale et un développement économique, bien plus dynamique qu'en Polynésie. Pourquoi ce schéma serait-il banni en Polynésie ?
Je ne désespère pas d'arriver, dans l'avenir, à une telle gouvernance, basée sur l'ouverture et la mobilisation, pour notre Pays, des compétences les plus valables de tel ou tel parti politique.
Il n'y a aucune raison de dissoudre notre Assemblée ou d'en abréger la durée légale, uniquement pour donner satisfaction aux réactions, dépitées ou revanchardes, de certains " groupuscules de représentants isolés ", élus, rappelons-le, pour la plupart, sur des listes de l'UPLD ou du TAHOERAA HUIRAÂTIRA !
J'entends des cris de protestations. Il n'y a que la vérité qui blesse, n'est-ce pas ? Restez "zen", voyons !
Ce sont bien, en effet, toutes les voltefaces et trahisons des élus autonomistes appartenant désormais au groupe "Polynésiens ensemble", qui sont à l'origine de la crise politique que nous avons connue ces temps-ci, crise qui a surtout affecté la classe politique autonomiste.
Toute la population le sait. Et l'Etat le sait bien aussi !
Pourquoi l'Etat, par définition, impartial, devrait-il prendre fait et cause en faveur d'élus minoritaires et sanctionner le premier compromis historique majoritaire, d'une telle importance dans la vie politique locale, qui permet enfin la stabilité politique, nécessaire à la paix sociale, au développement économique et aux réformes?
A moins que la devise : "diviser pour mieux régner" ne soit reprise par l'Etat ? Je n'ai pas oublié les propos tenus par l'ancienne secrétaire d'Etat à l'outre-mer, Madame GIRARDIN, déclarant, à l'Assemblée Nationale, à la suite de l'annonce de ma victoire aux élections territoriales de 2004, je cite : "Le processus électoral n 'est pas encore terminé en Polynésie" ! Cela veut tout dire !
Y aurait-il eu lieu des marchandages entre l'Etat et les autonomistes ralliés à Gaston TONG SANG ?
J'ose encore espérer, qu'avec l'avènement du Président SARKOSY, ces pratiques du passé sont définitivement rompues.
Pourquoi la politique de rupture avec le passé et d'ouverture, prônée par le Président de la
République, Nicolas SARKOZY, en direction de représentants de la gauche et du centre, serait
acceptée à Paris mais non acceptable en Polynésie ?
N'est-ce pas encore des résurgences de comportements Passéistes aux relents colonialistes ?
Ne pouvons- nous pas décider, nous-mêmes, de nos propres alliances pour gouverner et gérer les affaires
de notre Pays ?
N'avons-nous pas obtenu, dans le statut d'autonomie de 2004, le droit de nous gouverner par nous-mêmes,
librement et démocratiquement ?
Sans oublier la résolution fondamentale 1514 de la Charte des Nations Unies qui octroie le droit aux
Peuples à disposer d'eux-mêmes ! Résolution que la France semble ignorer après l'avoir elle-même votée !
La loi française interdit-elle aux partis politiques la possibilité de s'unir au sein d'une assemblée
parlementaire démocratiquement élue ? C'est la situation pourtant de tous les parlements en France, en Europe et dans les nations démocratiques du monde.
En Polynésie, pourquoi les élus, de tous bords, du groupe "Polynésiens ensemble" auraient-ils le droit
de s'unir et pourquoi les deux mouvements structurés de l'UPLD et du TAHOERAA HUIRAÂTIRA n'auraient-ils pas le droit de taire leurs divergences pour s'attaquer, ensemble eux aussi, aux grands défis économiques et sociaux de notre Fenua ?
Au nom de quel principe juridique ou dispositions législatives ou constitutionnelles particulières, peut-
on ainsi abréger, arbitrairement et de façon unilatérale, la durée légale de cinq ans du mandat des représentants territoriaux qui ont été élus démocratiquement par le Peuple polynésien, alors qu'il n'y a pas de blocage institutionnel ?
Car seule la situation de blocage institutionnel pourrait justifier la dissolution de notre Assemblée et sous la condition expresse, prévue par notre loi organique statutaire, que seul le Président de la Polynésie française peut en faire la demande au Président de la République.
Gaston TONG SANG, lorsqu'il était Président du Pays, n'a pas demandé la dissolution de notre Assemblée et je ne la demande pas non plus, puisqu'il n'y a pas de blocage institutionnel !
L'Etat peut-il modifier ainsi, comme bon lui semble, le statut et la loi électorale applicables à des collectivités dotées de l'autonomie, sans le consentement formel des élus, notamment de ceux disposant de la majorité au sein de l'Assemblée ? Peut-on ainsi réduire la durée du mandat des élus, sans raison valable ?
Ce "fait du prince" est-il une "raison d'Etat" qui s'impose à tous, sans contestation possible ? Cela
serait l'illustration parfaite de "la force injuste de la loi" française qu'avait dénoncée, en son temps, le Président MITTERRAND.
Nous attendons avec beaucoup d'intérêt la position du Conseil d'Etat et du Conseil Constitutionnel sur cette question fondamentale.
Ma position, quant à moi, est claire et sans ambiguïté. Dans les circonstances présentes, où il n'y a pas de
blocage des institutions ni instabilité politique, il faut laisser ce gouvernement et cette majorité travailler ensemble, pour le bien des Polynésiens, de tous les Polynésiens, sans condition de race, de religion ou de parti politique !
Si, au terme de notre mandature légale, un changement de majorité devait intervenir, ce sera en toute connaissance de cause, après l'examen du bilan gouvernemental et parlementaire. Laissons les Polynésiens juger eux-mêmes, le moment venu !
Tel est mon point de vue. Tel est celui de l'UPLD.
Tel est aussi, je pense, celui du TAHOERAA HUIRAÂTIRA et de son président, représentant de l'UMP et sénateur de la Polynésie française, Monsieur Gaston FLOSSE, dont je salue, encore une fois, ici, le courage et la persévérance dans sa volonté d'aboutir, avec l'UPLD, à une situation de stabilité politique, favorable au développement économique et social de notre Fenua.
En réalité, l'organisation par l'Etat de ces prochaines élections territoriales apparaît, avant tout, comme un règlement de comptes entre autonomistes ! Fallait-il que l'Etat s'embourbe ainsi dans ce "pugilat autonomiste", en demandant, en plus, aux Polynésiens d'y participer activement ?
L'Etat agit en tant qu'arbitre, a-t-on l'habitude de l'entendre, mais de quel combat s'agit-il ? En fait, il s'agit également d'un combat purement politicien, destiné à écarter, par tous les moyens, Oscar TEMARU et l'UPLD, de la conduite des affaires du Fenua ! Personne n'est dupe ! Où est le respect de la démocratie ?
Les Polynésiens ne sont pas manipulables à souhait et l'Etat devrait se méfier de la radicalisation politique
que ne manquera pas d'engendrer une élection territoriale bâclée, organisée dans de tellescirconstances !
Mesdames et Messieurs les représentants,
Vous serez amenés à donner, au cours de cette session budgétaire, votre avis sur les nouvelles dispositions
électorales et statutaires proposées par l'Etat. C'est un acte important qui engage l'avenir de notre Fenua.
Je vous invite à les examiner, attentivement, dans le détail, sereinement et sans hâte excessive, en ayant à l'esprit que le seul combat qui compte pour nous, en tant qu'élus, c'est le combat pour l'Homme, le combat pour notre Pays, le combat pour notre Peuple, le combat pour des institutions justes !
C'est aussi le combat pour notre Jeunesse qui est la vraie majorité de notre Fenua, celle qui décidera plus tard de notre avenir institutionnel :
o cette jeunesse, qui attend de ses aînés un comportement d'adultes responsables, avec des projets réalistes et mobilisateurs pour leur Pays, pour leur avenir ;
o cette jeunesse, avide de progrès économique et technique, désireuse d'asseoir sa place dans la société polynésienne, désireuse aussi de s'intégrer dans le monde moderne, tout en conservant la fierté de son appartenance à la grande famille maohi de notre Fenua ;
o Cette jeunesse, enfin, qui s'inquiète légitimement pour son avenir : même nos jeunes diplômés de l'Université ou des grandes écoles, lorsqu'ils rentrent dans la vie active en Polynésie, ne trouvent plus d'emplois qualifiés, lesquels sont "trustés" par des "expatriés" ! Cette situation n'est pas tolérable et pose le problème de l'immigration et de la protection de l'emploi local. Il est de notre devoir de remédier à cette situation par une politique volontariste d' "océanisation des cadres", car il n'est pas normal que nos jeunes diplômés soient obligés de s'expatrier, eux-mêmes, pour trouver un emploi à leur mesure !
Ce combat pour notre Pays et notre jeunesse, si noble et si essentiel, ne justifie-t-il pas que nous puissions, chaque fois que l'intérêt général le nécessite, mettre nos énergies et nos atouts en commun plutôt que de les dépenser en affrontements systématiques ?
Attaquons-nous ensemble, aux vrais problèmes économiques et sociaux que rencontrent notre Pays et sa population ! Car c'est pour les résoudre que nous avons été élus.
L'emploi vient au premier plan de nos préoccupations. Force est de constater que malgré l'importante diminution des charges sociales accordées aux entreprises par mon gouvernement, il y a deux ans, celles-ci n'ont pas créé les emplois escomptés. L'emploi connaît un tassement inquiétant aux alentours des 66.000 salariés, le gouvernement de mon prédécesseur n'ayant pu convaincre les entreprises à investir et créer des emplois durables.
Le logement reste tout aussi préoccupant. De nouvelles mesures incitatrices devront être prises pour augmenter l'offre de logements (logements intermédiaires et logements sociaux) et faciliter l'accession à la propriété. Parallèlement, la résolution des problèmes fonciers continuera d'être une priorité.
Notre population souffre aussi de la cherté de la vie engendrée par des situations de monopoles, des rentes d'importation, une concurrence défaillante et un contrôle des prix insuffisant. A cela s'ajoute un surendettement des ménages qui accentue la perte continue du pouvoir d'achat des Polynésiens. Cette situation n'est pas admissible et nécessitera des mesures de correction inévitables.
Au plan social, plus de 20% des Polynésiens, soit plus de 50 000 personnes, émargent au régime social de la solidarité (le RST), car ils atteignent à peine la moitié du SMIG pour vivre ou survivre, certains n'ayant même aucun revenu ! Ce chiffre de la pauvreté dans notre Fenua, qui est en constante augmentation, nous interpelle tous !
Malgré son devoir de solidarité nationale, l'Etat n'a fait que réduire, au fil du temps, son effort financier en faveur des économiquement faibles de notre Fenua !
C'est la contribution de solidarité territoriale (la CST), un impôt sur les revenus que nous payons tous solidairement, qui finance presque totalement notre régime de solidarité territorial de protection sociale, le financement de l'Etat étant marginal et en diminution. Il conviendra de rediscuter avec l'Etat de sa participation à la politique sociale de notre Pays.
Le combat pour l'Homme, c'est aussi la recherche de la dignité et de l'égalité sociale.
Il nous appartient de relever, ensemble, le défi de la pauvreté, situation de moins en moins tolérable dans un Pays où les riches, de plus en plus nombreux, jouissent d'un niveau de vie parmi les plus élevés au monde. Une société où les différences de revenus sont aussi larges est une société inégalitaire, génératrice de troubles sociaux et politiques importants.
Ainsi que le disait Nelson MANDELA : "Vaincre la pauvreté n 'est pas un geste de charité. C 'est un acte de justice."
Ce combat contre la pauvreté passe par une revalorisation, réfléchie et négociée, des conditions sociales et par le soutien actif aux investissements créateurs d'emplois locaux, respectueux de notre environnement et de notre culture, dans le cadre d'une politique de développement durable.
Notre fiscalité devra être adaptée en conséquence.
C'est dans cet esprit que s'inscrit le projet de faire des Marquises un pôle de développement futur basé notamment sur le tourisme, la culture, la pêche et la production agricole de qualité, en visant le marché
américain tout proche. Les projets d'un aérodrome international à NUKU-HIVA ainsi que d'un port de
pêche à TAIOHAE pouvant servir de base à des campagnes de pêche sur une zone riche en thonidés se justifient pleinement. L'écotourisme et la construction d'hôtels et de parcours de golf exceptionnels sont des perspectives dynamiques en termes d'emplois pour les Marquises et le développement durable en la Polynésie.
La mer est réellement un potentiel naturel de la Polynésie qu'il convient de développer. C'est bien sûr la pêche mais aussi l'aquaculture. Je passerai avec l'IFREMER que j'ai rencontré des accords pour lancer à VAIRAO une écloserie à grande échelle de plusieurs variétés de poissons pouvant être écoulées sur le marché local et international.
La pérennité de notre protection sociale et l'amélioration de notre système de santé sont également des défis importants à relever, quand on sait que les dépenses de santé augmentent inexorablement avec la démographie et le développement des pathologies, invalidantes et coûteuses pour la collectivité, que sont le diabète, les cancers et les maladies cardio-vasculaires.
L'équilibre du régime de l'assurance-maladie nécessitera des mesures d'ajustement inévitables, tant en cotisations qu'en maîtrise des dépenses de santé. Une concertation rapide entre le gouvernement, les partenaires sociaux et les professionnels de santé s'avère indispensable.
Malgré ce contexte alarmant, le futur centre hospitalier de Taaone qui remplacera celui de
Mamao est un projet, déjà avancé et attendu par la population, qu'il faudra finaliser et lancer dans les deux ans à venir, sans oublier les hôpitaux périphériques de Tahiti et des îles qu'il conviendra de dynamiser. Suivra ensuite la réorganisation des cliniques privées existantes avec un objectif de "pôle de santé" privé ou mutualiste.
Ces quelques objectifs économiques et sociaux nécessitent un minimum de durée dans le temps. Et il en existe d'autres !
Tenter de les atteindre ou même de les préparer en seulement trois mois, en même temps qu'une campagne électorale, n'est qu'une grotesque plaisanterie indigne de la République !
On n'élit pas un Président du Pays pour qu'il assure, avec son gouvernement, l'expédition des affaires courantes !
Mesdames et Messieurs les représentants,
La tâche qui nous attend, au cours de cette session budgétaire, est particulièrement chargée et lourde de conséquences pour l'avenir.
Il s'agit, en effet, pour notre Assemblée, d'adopter le budget du Pays pour 2008, avec une situation financière aggravée par la gestion du précédentgouvernement.
Il s'agit, aussi et surtout, de se prononcer, dans un délai extrêmement court, sur des propositions de modifications électorales et statutaires, émanant de Paris.
Et tout cela, dans une atmosphère tendue, peu propice aux réformes, du fait de la volonté de l'Etat d'abréger,
arbitrairement et unilatéralement, le mandat que le Peuple polynésien vous a confié, pour la durée légale de cinq ans.
Mesdames et Messieurs les représentants,
S'il faut retourner aux urnes, en dehors des cas de fin de mandature et de blocage des institutions, cela ne peut se faire sans l'accord majoritaire de toutes les forces politiques représentées au sein de l'Assemblée de la Polynésie et certainement pasdans la précipitation et la confusion !
J'affirme, quant a moi, qu'il est de notre devoir et de notre responsabilité d'élus polynésiens, de refuser toute réforme institutionnelle qui nous serait imposée, de force, par Paris, sans un minimum de concertation et de réflexion.
Cet agissement de l'Etat français est totalement opposé au principe d'autonomie de notre Pays, d'autant plus que les propositions de la rue Oudinot ôtent à la Polynésie des compétences territoriales.
Une telle sujétion à une subjugation et domination extérieures constitue un véritable acte de colonialisme et un déni aux droits fondamentaux de l'homme, absolument contraire à la Charte des Nations Unies !
Faut-il rappeler, encore une fois, qu'une des dispositions fondamentales de la résolution 1514 du 14 décembre 1960 de l'Assemblée générale des Nations Unies, votée par la France, déclare solennellement, en son article 2, je cite :
"Tous les peuples ont le droit de libre détermination ; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et culturel"
Puisse l'Etat français revenir à la raison et à la concertation !
Que chacun et chacune d'entre nous assume ses responsabilités d'élus du Peuple polynésien en participant activement aux travaux de la session budgétaire 2007-2008 de notre Assemblée !
Mon gouvernement, en ce qui le concerne, assumera toutes ses responsabilités et toutes ses compétences.
Merci de votre attention.
Iaorana.
Oscar Manutahi TEMARU.
Monsieur le Sénateur,
Monsieur le Vice-président,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les représentants,
Mesdames et Messieurs,
Iaorana.
A l'occasion de l'ouverture de la session budgétaire
de notre Assemblée, il m'est demandé de vous
présenter les grandes orientations de la politique
économique, sociale et culturelle de mon
gouvernement qui doivent se retrouver dans le projet de budget 2008 de notre Pays.
C'est ce que fera le vice-président, en tant que
ministre des finances, lors de la présentation
prochaine du projet de budget 2008.
Je veux, pour ma part, dans cette enceinte de la
représentation territoriale de notre Pays et de notre
Peuple, aborder solennellement l'aspect politique et institutionnel du contexte, non seulement de ce
projet de budget 2008, mais aussi de la conduite
des affaires de notre Pays.
J'ai précisé, en effet, lors de mon discours de
candidature à la présidence du Pays, qu'il était
illusoire de prendre des engagements, précis et
durables, pour mon futur gouvernement, sans que ne soient levées les contraintes du calendrier
institutionnel, préparé et imposé par la rue Oudinot.
Toute constitution d'un gouvernement s'inscrit, en principe, dans le temps. Or, mon gouvernement vient à peine d'être mis en place que l'Etat me fait déjà savoir, par voie de presse, que je dois le saborder dans quelques semaines ! De quelle farce institutionnelle s'agit-il ?
Veut-on nous foire jouer une comédie du pouvoir dans laquelle nous serions des marionnettes dont les ficelles seraient tirées par Paris ? Où est le respect du vote des élus au sein de notre Assemblée ?
Le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, Monsieur Christian ESTROSI, m'a assuré personnellement, vouloir travailler, en transparence et sans parti pris, avec le nouveau gouvernement de la Polynésie, quelque soit le résultat de l'élection du Président du Pays.
Or, il s'est empressé d'annoncer, juste après mon élection, que seront entreprises, dans les trois mois à venir, une réforme statutaire, une nouvelle loi électorale ainsi que des élections territoriales anticipées programmées en janvier 2008, soit deux mois à peine avant les élections municipales de mars 2008 !
Pourtant, l'application des lois électorales, en France métropolitaine, a toujours écarté l'organisation de toute élection dans les six mois qui précèdent les municipales !
Pourquoi deux poids et deux mesures ? Ces dispositions électorales, logiques et de bon sens, ne s'appliqueraient-elles, en l'occurrence, que pour les citoyens français de France métropolitaine ? Serions-nous, dans l'outre-mer, des sous-citoyens français ?
Gaston TONG SANG, lui-même, lorsqu'il était Président du Pays, avait écarté l'idée d'élections territoriales anticipées d'ici la fin de l'année et avait proposé qu'elles soient organisées après les municipales de mars 2008, si une dissolution de l'Assemblée devait être prononcée.
Pourquoi confondre vitesse et précipitation ? Pourquoi ne pas prendre le temps d'examiner, ensemble, et avec l'Etat, calmement et mûrement, des réformes aussi fondamentales qui engagent l'avenir de notre Pays et de notre population !
Nous venons juste de sortir de deux élections importantes au plan national : les présidentielles et les législatives, lesquelles ont mobilisé et remobilisé tous les électeurs et tous les partis politiques locaux, dans une campagne, longue et coûteuse, sur un territoire aussi vaste que toute l'Europe occidentale !
Ces élections, les unes après les autres, n'ont fait que démontrer la prééminence des deux formations politiques polynésiennes que sont : l'UPLD et le TAHOERAA HUIRAÂTIRA.
Et l'on nous demande de refaire encore deux élections consécutives dans les tout prochains mois !
Soyons clairs et sérieux !
La loi ne prévoit le retour aux urnes qu'en fin de mandat des élus et qu'en cas de blocage des institutions.
Monsieur Gaston TONG SANG, lorsqu'il était Président du Pays, a toujours fait valoir qu'il n'y avait aucune raison que lui-même et son gouvernement ne puissent aller jusqu'au terme du mandat de l'Assemblée, fixé à 2009 par la loi, s'il n'y avait pas instabilité politique ou blocage des institutions.
Je comprends l'impatience, désormais, de Monsieur Gaston SANG et de ses amis qui espèrent que le peuple leur donnera le pouvoir après l'avoir perdu. De toute façon, ils n'ont plus rien à perdre !
Mais vouloir changer les règles du jeu, chaque fois que l'on perd, cela s'appelle tricher !
Il faut jouer le jeu des institutions et des alliances jusqu'au terme du mandat prévu au départ par le législateur. C'est l'expression même de la démocratie parlementaire.
Les électeurs, naturellement, s'exprimeront dans les cas et délais prévus par la loi pour chaque type
d'élection.
Il convient d'ailleurs, dans ce contexte, de mettre en exergue la singularité et l'hypocrisie de la situation politique dans laquelle nous nous trouvons !
Tout se passe, en effet, comme si nos adversaires, et même l'Etat français, n'arrivent pas à accepter que je puisse, avec les élus de l'UPLD, gouverner notre Pays.
Aurait-on oublié que les Polynésiens nous ont donné, à deux reprises, aux élections territoriales générales de 2004 et aux élections partielles de 2005, une victoire incontestable ?
Ma légitimité provient du vote des Polynésiens, ce que semblent négliger nos adversaires et détracteurs !
Avec le soutien du TAHOERAA HUIRAÂTIRA, libre de pratiquer une opposition constructive, s'il le souhaite, au sein de cette Assemblée, cette légitimité n'en est que plus grande !
Nous avons, tous partis politiques confondus, accepté de demander la dissolution de notre Assemblée si une instabilité politique grave bloquait le fonctionnement de nos institutions. Instabilité qui commençait à se produire avec le gouvernement TONG SANG qui ne disposait pas de majorité réelle.
J'ai d'ailleurs écrit à Monsieur ESTROSI que si cette situation d'instabilité politique due au rejet de Gaston TONG SANG par le TAHOERAA devait perdurer, il faudrait envisager d'organiser rapidement de nouvelles élections territoriales.
Mais la situation politique a changé radicalement et elle n'est plus comparable à celle citée précédemment, ce dont aurait dû tenir compte le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Ainsi, depuis ma nouvelle élection, en tant que Président du Pays, par les élus territoriaux, un pacte majoritaire, unissant les deux plus grands groupes politiques de : notre Pays au sein de l'Assemblée, a permis de dégager une majorité partenariale, de 44 représentants sur 57 élus composant l'Assemblée de la Polynésie !
Cette très large majorité a été mise en place pour lutter contre l'instabilité politique précédente et obtenir, par le dialogue et le respect mutuel, des positions consensuelles sur les grands dossiers budgétaires ou réglementaires, lesquels seront étudiés par l'ensemble des élus, chaque groupe politique conservant ses convictions idéologiques.
Une majorité solide, composée des 2/3 des élus, existe désormais au sein de notre Assemblée, contrairement au précédent gouvernement. Alors, où est le blocage institutionnel ?
Le Président du Pays a été élu démocratiquement. Le gouvernement du Pays fonctionne. L'Assemblée de la Polynésie française fonctionne. Le CESC fonctionne. Les services et les établissements publics territoriaux fonctionnent. Les entreprises fonctionnent. Le Haut-Commissariat de la République et les services de l'Etat fonctionnent. Où est donc le blocage des institutions ?
En Nouvelle-Calédonie, les indépendantistes et les autonomistes se sont mis ensemble pour gouverner leur Pays, ce qui a entraîné la paix sociale et un développement économique, bien plus dynamique qu'en Polynésie. Pourquoi ce schéma serait-il banni en Polynésie ?
Je ne désespère pas d'arriver, dans l'avenir, à une telle gouvernance, basée sur l'ouverture et la mobilisation, pour notre Pays, des compétences les plus valables de tel ou tel parti politique.
Il n'y a aucune raison de dissoudre notre Assemblée ou d'en abréger la durée légale, uniquement pour donner satisfaction aux réactions, dépitées ou revanchardes, de certains " groupuscules de représentants isolés ", élus, rappelons-le, pour la plupart, sur des listes de l'UPLD ou du TAHOERAA HUIRAÂTIRA !
J'entends des cris de protestations. Il n'y a que la vérité qui blesse, n'est-ce pas ? Restez "zen", voyons !
Ce sont bien, en effet, toutes les voltefaces et trahisons des élus autonomistes appartenant désormais au groupe "Polynésiens ensemble", qui sont à l'origine de la crise politique que nous avons connue ces temps-ci, crise qui a surtout affecté la classe politique autonomiste.
Toute la population le sait. Et l'Etat le sait bien aussi !
Pourquoi l'Etat, par définition, impartial, devrait-il prendre fait et cause en faveur d'élus minoritaires et sanctionner le premier compromis historique majoritaire, d'une telle importance dans la vie politique locale, qui permet enfin la stabilité politique, nécessaire à la paix sociale, au développement économique et aux réformes?
A moins que la devise : "diviser pour mieux régner" ne soit reprise par l'Etat ? Je n'ai pas oublié les propos tenus par l'ancienne secrétaire d'Etat à l'outre-mer, Madame GIRARDIN, déclarant, à l'Assemblée Nationale, à la suite de l'annonce de ma victoire aux élections territoriales de 2004, je cite : "Le processus électoral n 'est pas encore terminé en Polynésie" ! Cela veut tout dire !
Y aurait-il eu lieu des marchandages entre l'Etat et les autonomistes ralliés à Gaston TONG SANG ?
J'ose encore espérer, qu'avec l'avènement du Président SARKOSY, ces pratiques du passé sont définitivement rompues.
Pourquoi la politique de rupture avec le passé et d'ouverture, prônée par le Président de la
République, Nicolas SARKOZY, en direction de représentants de la gauche et du centre, serait
acceptée à Paris mais non acceptable en Polynésie ?
N'est-ce pas encore des résurgences de comportements Passéistes aux relents colonialistes ?
Ne pouvons- nous pas décider, nous-mêmes, de nos propres alliances pour gouverner et gérer les affaires
de notre Pays ?
N'avons-nous pas obtenu, dans le statut d'autonomie de 2004, le droit de nous gouverner par nous-mêmes,
librement et démocratiquement ?
Sans oublier la résolution fondamentale 1514 de la Charte des Nations Unies qui octroie le droit aux
Peuples à disposer d'eux-mêmes ! Résolution que la France semble ignorer après l'avoir elle-même votée !
La loi française interdit-elle aux partis politiques la possibilité de s'unir au sein d'une assemblée
parlementaire démocratiquement élue ? C'est la situation pourtant de tous les parlements en France, en Europe et dans les nations démocratiques du monde.
En Polynésie, pourquoi les élus, de tous bords, du groupe "Polynésiens ensemble" auraient-ils le droit
de s'unir et pourquoi les deux mouvements structurés de l'UPLD et du TAHOERAA HUIRAÂTIRA n'auraient-ils pas le droit de taire leurs divergences pour s'attaquer, ensemble eux aussi, aux grands défis économiques et sociaux de notre Fenua ?
Au nom de quel principe juridique ou dispositions législatives ou constitutionnelles particulières, peut-
on ainsi abréger, arbitrairement et de façon unilatérale, la durée légale de cinq ans du mandat des représentants territoriaux qui ont été élus démocratiquement par le Peuple polynésien, alors qu'il n'y a pas de blocage institutionnel ?
Car seule la situation de blocage institutionnel pourrait justifier la dissolution de notre Assemblée et sous la condition expresse, prévue par notre loi organique statutaire, que seul le Président de la Polynésie française peut en faire la demande au Président de la République.
Gaston TONG SANG, lorsqu'il était Président du Pays, n'a pas demandé la dissolution de notre Assemblée et je ne la demande pas non plus, puisqu'il n'y a pas de blocage institutionnel !
L'Etat peut-il modifier ainsi, comme bon lui semble, le statut et la loi électorale applicables à des collectivités dotées de l'autonomie, sans le consentement formel des élus, notamment de ceux disposant de la majorité au sein de l'Assemblée ? Peut-on ainsi réduire la durée du mandat des élus, sans raison valable ?
Ce "fait du prince" est-il une "raison d'Etat" qui s'impose à tous, sans contestation possible ? Cela
serait l'illustration parfaite de "la force injuste de la loi" française qu'avait dénoncée, en son temps, le Président MITTERRAND.
Nous attendons avec beaucoup d'intérêt la position du Conseil d'Etat et du Conseil Constitutionnel sur cette question fondamentale.
Ma position, quant à moi, est claire et sans ambiguïté. Dans les circonstances présentes, où il n'y a pas de
blocage des institutions ni instabilité politique, il faut laisser ce gouvernement et cette majorité travailler ensemble, pour le bien des Polynésiens, de tous les Polynésiens, sans condition de race, de religion ou de parti politique !
Si, au terme de notre mandature légale, un changement de majorité devait intervenir, ce sera en toute connaissance de cause, après l'examen du bilan gouvernemental et parlementaire. Laissons les Polynésiens juger eux-mêmes, le moment venu !
Tel est mon point de vue. Tel est celui de l'UPLD.
Tel est aussi, je pense, celui du TAHOERAA HUIRAÂTIRA et de son président, représentant de l'UMP et sénateur de la Polynésie française, Monsieur Gaston FLOSSE, dont je salue, encore une fois, ici, le courage et la persévérance dans sa volonté d'aboutir, avec l'UPLD, à une situation de stabilité politique, favorable au développement économique et social de notre Fenua.
En réalité, l'organisation par l'Etat de ces prochaines élections territoriales apparaît, avant tout, comme un règlement de comptes entre autonomistes ! Fallait-il que l'Etat s'embourbe ainsi dans ce "pugilat autonomiste", en demandant, en plus, aux Polynésiens d'y participer activement ?
L'Etat agit en tant qu'arbitre, a-t-on l'habitude de l'entendre, mais de quel combat s'agit-il ? En fait, il s'agit également d'un combat purement politicien, destiné à écarter, par tous les moyens, Oscar TEMARU et l'UPLD, de la conduite des affaires du Fenua ! Personne n'est dupe ! Où est le respect de la démocratie ?
Les Polynésiens ne sont pas manipulables à souhait et l'Etat devrait se méfier de la radicalisation politique
que ne manquera pas d'engendrer une élection territoriale bâclée, organisée dans de tellescirconstances !
Mesdames et Messieurs les représentants,
Vous serez amenés à donner, au cours de cette session budgétaire, votre avis sur les nouvelles dispositions
électorales et statutaires proposées par l'Etat. C'est un acte important qui engage l'avenir de notre Fenua.
Je vous invite à les examiner, attentivement, dans le détail, sereinement et sans hâte excessive, en ayant à l'esprit que le seul combat qui compte pour nous, en tant qu'élus, c'est le combat pour l'Homme, le combat pour notre Pays, le combat pour notre Peuple, le combat pour des institutions justes !
C'est aussi le combat pour notre Jeunesse qui est la vraie majorité de notre Fenua, celle qui décidera plus tard de notre avenir institutionnel :
o cette jeunesse, qui attend de ses aînés un comportement d'adultes responsables, avec des projets réalistes et mobilisateurs pour leur Pays, pour leur avenir ;
o cette jeunesse, avide de progrès économique et technique, désireuse d'asseoir sa place dans la société polynésienne, désireuse aussi de s'intégrer dans le monde moderne, tout en conservant la fierté de son appartenance à la grande famille maohi de notre Fenua ;
o Cette jeunesse, enfin, qui s'inquiète légitimement pour son avenir : même nos jeunes diplômés de l'Université ou des grandes écoles, lorsqu'ils rentrent dans la vie active en Polynésie, ne trouvent plus d'emplois qualifiés, lesquels sont "trustés" par des "expatriés" ! Cette situation n'est pas tolérable et pose le problème de l'immigration et de la protection de l'emploi local. Il est de notre devoir de remédier à cette situation par une politique volontariste d' "océanisation des cadres", car il n'est pas normal que nos jeunes diplômés soient obligés de s'expatrier, eux-mêmes, pour trouver un emploi à leur mesure !
Ce combat pour notre Pays et notre jeunesse, si noble et si essentiel, ne justifie-t-il pas que nous puissions, chaque fois que l'intérêt général le nécessite, mettre nos énergies et nos atouts en commun plutôt que de les dépenser en affrontements systématiques ?
Attaquons-nous ensemble, aux vrais problèmes économiques et sociaux que rencontrent notre Pays et sa population ! Car c'est pour les résoudre que nous avons été élus.
L'emploi vient au premier plan de nos préoccupations. Force est de constater que malgré l'importante diminution des charges sociales accordées aux entreprises par mon gouvernement, il y a deux ans, celles-ci n'ont pas créé les emplois escomptés. L'emploi connaît un tassement inquiétant aux alentours des 66.000 salariés, le gouvernement de mon prédécesseur n'ayant pu convaincre les entreprises à investir et créer des emplois durables.
Le logement reste tout aussi préoccupant. De nouvelles mesures incitatrices devront être prises pour augmenter l'offre de logements (logements intermédiaires et logements sociaux) et faciliter l'accession à la propriété. Parallèlement, la résolution des problèmes fonciers continuera d'être une priorité.
Notre population souffre aussi de la cherté de la vie engendrée par des situations de monopoles, des rentes d'importation, une concurrence défaillante et un contrôle des prix insuffisant. A cela s'ajoute un surendettement des ménages qui accentue la perte continue du pouvoir d'achat des Polynésiens. Cette situation n'est pas admissible et nécessitera des mesures de correction inévitables.
Au plan social, plus de 20% des Polynésiens, soit plus de 50 000 personnes, émargent au régime social de la solidarité (le RST), car ils atteignent à peine la moitié du SMIG pour vivre ou survivre, certains n'ayant même aucun revenu ! Ce chiffre de la pauvreté dans notre Fenua, qui est en constante augmentation, nous interpelle tous !
Malgré son devoir de solidarité nationale, l'Etat n'a fait que réduire, au fil du temps, son effort financier en faveur des économiquement faibles de notre Fenua !
C'est la contribution de solidarité territoriale (la CST), un impôt sur les revenus que nous payons tous solidairement, qui finance presque totalement notre régime de solidarité territorial de protection sociale, le financement de l'Etat étant marginal et en diminution. Il conviendra de rediscuter avec l'Etat de sa participation à la politique sociale de notre Pays.
Le combat pour l'Homme, c'est aussi la recherche de la dignité et de l'égalité sociale.
Il nous appartient de relever, ensemble, le défi de la pauvreté, situation de moins en moins tolérable dans un Pays où les riches, de plus en plus nombreux, jouissent d'un niveau de vie parmi les plus élevés au monde. Une société où les différences de revenus sont aussi larges est une société inégalitaire, génératrice de troubles sociaux et politiques importants.
Ainsi que le disait Nelson MANDELA : "Vaincre la pauvreté n 'est pas un geste de charité. C 'est un acte de justice."
Ce combat contre la pauvreté passe par une revalorisation, réfléchie et négociée, des conditions sociales et par le soutien actif aux investissements créateurs d'emplois locaux, respectueux de notre environnement et de notre culture, dans le cadre d'une politique de développement durable.
Notre fiscalité devra être adaptée en conséquence.
C'est dans cet esprit que s'inscrit le projet de faire des Marquises un pôle de développement futur basé notamment sur le tourisme, la culture, la pêche et la production agricole de qualité, en visant le marché
américain tout proche. Les projets d'un aérodrome international à NUKU-HIVA ainsi que d'un port de
pêche à TAIOHAE pouvant servir de base à des campagnes de pêche sur une zone riche en thonidés se justifient pleinement. L'écotourisme et la construction d'hôtels et de parcours de golf exceptionnels sont des perspectives dynamiques en termes d'emplois pour les Marquises et le développement durable en la Polynésie.
La mer est réellement un potentiel naturel de la Polynésie qu'il convient de développer. C'est bien sûr la pêche mais aussi l'aquaculture. Je passerai avec l'IFREMER que j'ai rencontré des accords pour lancer à VAIRAO une écloserie à grande échelle de plusieurs variétés de poissons pouvant être écoulées sur le marché local et international.
La pérennité de notre protection sociale et l'amélioration de notre système de santé sont également des défis importants à relever, quand on sait que les dépenses de santé augmentent inexorablement avec la démographie et le développement des pathologies, invalidantes et coûteuses pour la collectivité, que sont le diabète, les cancers et les maladies cardio-vasculaires.
L'équilibre du régime de l'assurance-maladie nécessitera des mesures d'ajustement inévitables, tant en cotisations qu'en maîtrise des dépenses de santé. Une concertation rapide entre le gouvernement, les partenaires sociaux et les professionnels de santé s'avère indispensable.
Malgré ce contexte alarmant, le futur centre hospitalier de Taaone qui remplacera celui de
Mamao est un projet, déjà avancé et attendu par la population, qu'il faudra finaliser et lancer dans les deux ans à venir, sans oublier les hôpitaux périphériques de Tahiti et des îles qu'il conviendra de dynamiser. Suivra ensuite la réorganisation des cliniques privées existantes avec un objectif de "pôle de santé" privé ou mutualiste.
Ces quelques objectifs économiques et sociaux nécessitent un minimum de durée dans le temps. Et il en existe d'autres !
Tenter de les atteindre ou même de les préparer en seulement trois mois, en même temps qu'une campagne électorale, n'est qu'une grotesque plaisanterie indigne de la République !
On n'élit pas un Président du Pays pour qu'il assure, avec son gouvernement, l'expédition des affaires courantes !
Mesdames et Messieurs les représentants,
La tâche qui nous attend, au cours de cette session budgétaire, est particulièrement chargée et lourde de conséquences pour l'avenir.
Il s'agit, en effet, pour notre Assemblée, d'adopter le budget du Pays pour 2008, avec une situation financière aggravée par la gestion du précédentgouvernement.
Il s'agit, aussi et surtout, de se prononcer, dans un délai extrêmement court, sur des propositions de modifications électorales et statutaires, émanant de Paris.
Et tout cela, dans une atmosphère tendue, peu propice aux réformes, du fait de la volonté de l'Etat d'abréger,
arbitrairement et unilatéralement, le mandat que le Peuple polynésien vous a confié, pour la durée légale de cinq ans.
Mesdames et Messieurs les représentants,
S'il faut retourner aux urnes, en dehors des cas de fin de mandature et de blocage des institutions, cela ne peut se faire sans l'accord majoritaire de toutes les forces politiques représentées au sein de l'Assemblée de la Polynésie et certainement pasdans la précipitation et la confusion !
J'affirme, quant a moi, qu'il est de notre devoir et de notre responsabilité d'élus polynésiens, de refuser toute réforme institutionnelle qui nous serait imposée, de force, par Paris, sans un minimum de concertation et de réflexion.
Cet agissement de l'Etat français est totalement opposé au principe d'autonomie de notre Pays, d'autant plus que les propositions de la rue Oudinot ôtent à la Polynésie des compétences territoriales.
Une telle sujétion à une subjugation et domination extérieures constitue un véritable acte de colonialisme et un déni aux droits fondamentaux de l'homme, absolument contraire à la Charte des Nations Unies !
Faut-il rappeler, encore une fois, qu'une des dispositions fondamentales de la résolution 1514 du 14 décembre 1960 de l'Assemblée générale des Nations Unies, votée par la France, déclare solennellement, en son article 2, je cite :
"Tous les peuples ont le droit de libre détermination ; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et culturel"
Puisse l'Etat français revenir à la raison et à la concertation !
Que chacun et chacune d'entre nous assume ses responsabilités d'élus du Peuple polynésien en participant activement aux travaux de la session budgétaire 2007-2008 de notre Assemblée !
Mon gouvernement, en ce qui le concerne, assumera toutes ses responsabilités et toutes ses compétences.
Merci de votre attention.
Iaorana.
Oscar Manutahi TEMARU.