Allocution de M. Jean-Christophe BOUISSOU en présence de M. Christian ESTROSI
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Monsieur le Secrétaire d'Etat,
Madame le Haut-commissaire,
Monsieur le Président de la Polynésie française,
Monsieur le Président de l'Assemblée de la Polynésie française,
Madame le Président du Conseil économique Social et Culturel,
Chers collègues, représentants à l'Assemblée de la Polynésie française,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Monsieur le conseiller économique et social,
Mesdames, Messieurs,
La présence du ministre ESTROSI donne à notre séance un caractère solennel particulier.
C'est la 4ème fois que le ministre nous rend visite depuis sa prise de fonction, il y a 6 mois.
Aucun ministre n'est venu aussi souvent à la rencontre des polynésiens.
J'y vois l'intérêt sincère tout à la fois de l'Etat, du ministre et de l'homme pour les polynésiens, pour la Polynésie française et pour la France d'outre-mer.
Cette volonté de bâtir une relation humaine, directe avec les polynésiens ; je la comprends comme le témoignage d'un profond respect et d'une volonté de dialogue réel, soutenu et constructif.
Les polynésiens sont des hommes et des femmes pour lesquels rien ne remplace les rapports humains.
Je ne sais pas si l'agenda ministériel permettra de maintenir le rythme de ces rencontres mais, je ne peux que constater que le ministre a toujours été au rendez-vous des polynésiens, a toujours répondu présent, personnellement, quand le besoin s'en est fait sentir.
Il est vrai que malheureusement, deux de vos déplacements ont été motivés par le tragique accident du Twin Otter d'Air Moorea qui a emporté nos amis ; cicatrice qui ne se referme pas.
A cette occasion, vous aviez promis des moyens exceptionnels pour rechercher l'épave de l'avion et tenter d'expliquer les causes du drame.
Nous avons effectivement vu des moyens exceptionnels être dépêché sur place dans les délais les plus brefs possibles, pour remonter les morceaux de l'épave, récupérer l'enregistreur et permettre aux enquêteurs d'avancer dans leur minutieux travail qui se poursuit encore aujourd'hui.
Ces moyens exceptionnels auront également permis de rendre le corps, jusqu'alors porté disparu, de l'un de nos agents à sa famille.
Outre le soutien moral et le témoignage de solidarité, force est de constater que les actes ont suivi les paroles.
Vos actes ont suivi vos paroles.
Ce simple constat est une preuve du respect des citoyens et de la sincérité de l'engagement de l'homme et de l'Etat qu'il incarne aux côtés des polynésiens.
Monsieur le Ministre, votre présence est une opportunité exceptionnelle donnée à l'opposition regroupée à l'Assemblée au sein du groupe " Polynésiens ensemble " de vous exposer directement les conditions et motivations politiques qui ont prévalu lors de l'examen du projet de loi organique tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française.
Comme vous le savez, dans sa séance du 3 octobre dernier, l'Assemblée de la Polynésie française a rendu un avis très critiquable auquel nous n'adhérons absolument pas tant sur la forme que sur le fond.
Sur les 54 propositions que comporte le projet de loi, la majorité a émis 35 avis favorables et seulement 19 avis défavorables.
Elle est d'accord sur près de 70% du texte et propose des améliorations au texte sur presque tous les autres points.
Dans ces conditions, l'avis globalement défavorable de la majorité apparaît, à notre sens, incohérent.
Bien qu'en fait favorable à la quasi-totalité du texte, la nouvelle majorité développe un ensemble d'arguties qui relève de l'acrobatie pour justifier une position très politicienne "globalement défavorable".
Parmi elles, l'argumentaire qui consiste à dénoncer l'ingérence de l'Etat dans les affaires polynésiennes est l'un des plus étonnant.
En effet, tous les partis se sont rendus à Paris à votre invitation, monsieur le secrétaire d'Etat, et ont pu vous exposer leur point de vue sur la situation politique polynésienne et proposer des dispositions qu'il conviendrait que le parlement prenne afin d'améliorer la stabilité politique de nos institutions et de moraliser la vie publique.
Pour ceux qui n'ont pas voulu se rendre à Paris, vous êtes allé à leur rencontre.
Comment ceux qui ont, de manière libre et volontaire, participé à la réflexion en vue de la préparation de la réforme, peuvent-ils aujourd'hui parler d'ingérence de l'Etat ?
On entend également que le texte serait une régression par rapport aux acquis de l'autonomie, voire selon les dires les plus extrêmes une tendance à la départementalisation de la Polynésie française.
Ces affirmations sont complètement fausses. Pas une seule disposition du projet de loi ne traite des compétences exercées par la Polynésie française.
On agite des épouvantails alors qu'aucun merle ne vient attaquer les récoltes ! Ces propos ne sont, je le regrette, que gesticulations.
Aucun mouvement départementaliste n'existe en Polynésie française. Par contre, on constate qu'un nouveau front semble s'être constitué : Le front souverainiste.
Ce front estime que l'évolution historique de la Polynésie française doit la mener à toujours plus d'autonomie et finalement la souveraineté, c'est-à-dire l'indépendance. L'Histoire serait donc déjà écrite. Sans issue !
Nous ne partageons absolument pas cette vision pseudo historique de notre avenu*. Bien au contraire, l'Histoire ne revient jamais en arrière.
Je veux dire à la population qu'il n'y a pas de fatalité. Son avenir est entre ses mains.
Après une période de 4 années d'instabilité, de crise institutionnelle permanente, il est temps de rendre la parole au peuple.
Pendant 4 années, chacun d'entre nous, tour à tour, à un moment donné, a cru pouvoir diriger sereinementet dans la durée les affaires du Pays.
Le constat s'impose, aucune majorité politique, conforme au choix des électeurs et aux programmes et promesses politiques des différents partis, n'arrive à se dégager.
C'est l'instabilité permanente. Notre assemblée, dans sa composition actuelle, ne parvient pas à dégager une majorité de représentants cohérente, sauf à tronquer les votes exprimés en 2004 et 2005 sur la base de programmes et d'équipes clairement identifiés.
Il est temps de mettre un terme au mandat de notre assemblée.
Il faut retourner aux urnes afin qu'une majorité nouvelle, légitimée par les électeurs, se dégage.
Nous avons compris que la démarche du secrétaire d'Etat retranscrite dans le projet de loi qui a été soumis à l'examen de notre Assemblée attaque de front deux maux qui ont pollué notre vie politique et institutionnelle depuis 2004 : l'instabilité et la suspicion.
Nous soutenons pleinement cette démarche car nous sommes convaincus que les lois peuvent améliorer la stabilité et la moralisation de la vie publique. Le projet de loi organique va dans ce sens,
Cependant, nous en connaissons aussi les limites.
Ses limites, ce sont les hommes et les femmes politiques eux-mêmes !
Quel que soit le mode de scrutin, quelle que soit la date des élections, quel que soit le découpage électorale, quelles que soient les règles du jeu : ce seront les élus qui feront les majorités !
Dans ce contexte, on entend les partis les plus anciens proposer des règles du jeu qui ferment la porte aux nouvelles fonnations politiques sous prétexte de stabilité.
C'est tout l'enjeu de la contestation autour du seuil d'accessibilité au second tour des élections
territoriales.
Il est certain qu'un deuxième tour avec seulement deux partis politiques, pour certains, c'est tentant.
Pour autant, est-ce cela la démocratie ?
Certainement pas. La stabilité ne peut pas se faire au prix de l'expression démocratique.. .la stabilité ne justifiera jamais l'étouffement de l'opposition...
D'ailleurs, la leçon de la prime majoritaire qui devait apporter une écrasante majorité et donc une écrasante stabilité n'est-elle pas encore comprise ?
Monsieur- le secrétaire d'Etat, votre projet de loi organique, dans un souci clairement exprimé de permettre la pluralité de l'expression démocratique, propose de fixer le seuil d'accessibilité au second tour à 10% du total des suffrages exprimés.
Il s'agit d'un taux raisonnable. Maintenez votre proposition.
La prise en compte de la diversité des opinions politiques et leur représentation au niveau de l'assemblée de la Polynésie française est un gage de démocratie.
Lutter, par des mesures nouvelles et démocratiques, contre à la mise en place d'un système autocratique, ce n'est pas institutionnaliser l'instabilité.
Passer le seuil de 10% des suffrages exprimés à 12.5% des inscrits serait un coup de frein historique à la diversité au sein de notre institution.
* * *
Le mode de scrutin est un élément déterminant pour obtenir un fonctionnement serein de nos institutions. Il convient cependant d'en relativiser l'importance.
L'un des nœuds principaux de l'instabilité institutionnelle qu'a connu la Polynésie française réside dans la facilité extraordinaire avec laquelle il est possible de déposer des motions de censure.
En quatre ans, c'est plus d'une demi-douzaine de motion de censure qui a été déposée mais seulement trois ont été adoptées. Les autres ont simplement entravé le fonctionnement normal du pays jusqu'à leur examen.
Il apparaît donc nécessaire de rendre moins facile la déstabilisation de nos institutions. Il faut que la censure soit au service de la démocratie et de la stabilité de nos institutions et non au bénéfice de l'argutie stérile et de la déstabilisation du Pays.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous comprendrez que, pour notre part, nous abordons votre texte l'esprit libre et serein avec la volonté d'apporter notre pierre à l'édifice.
Car nous avons le sentiment que nous pouvons aller encore plus loin dans la transparence et la moralisation de la vie publique.
Ainsi, par exemple, nous proposons également d'améliorer la rédaction de l'article 78 de la loi statutaire sur les conditions de réintégration d'un représentant à l'assemblée après la cessation de ses fonctions gouvernementales.
Le système proposé répond au problème posé par le retour " politique " et opportuniste d'un élu sur les bancs de l'assemblée pour éviter l'adoption d'une motion de censure. Mais il entraîne des coûts supplémentaires pour la collectivité.
Il nous semble possible d'arriver au même objectif sans coût supplémentaire pour la collectivité en permettant au représentant-ministre de retrouver "son mandat à l'assemblée de la Polynésie française (seulement) à l'issue du vote de la motion de défiance ou de renvoi ".
Dans l'optique de moralisation de la vie publique, nous souhaitons également renforcer l'article 76 de la loi statutaire sur les incompatibilités avec des activités privées.
En effet, nous sommes favorables à ces dispositions de moralisation de la vie publique et souhaitons aller plus loin encore dans cette moralisation.
Il convient, selon nous, d'interdire la gestion d'un secteur d'activité par un ministre qui dispose d'intérêts privés dans ledit secteur compte tenu du risque permanent de conflits d'intérêts. Ainsi, par exemple, il serait interdit à un agent immobilier de devenir ministre des affaires foncières ou à un perliculteur de devenir ministre de la perliculture ou à un promoteur de devenir ministre du logement.
* * *
Outre ces propositions d'amélioration de votre projet de loi organique, nous souhaitons vous proposer trois dispositions complémentaires qui entrent directement dans le cadre de l'amélioration de l'efficacité de l'action des pouvoirs publics, de l'expression démocratique et de la moralisation de la vie publique.
La première porte sur les lois de Pays.
Le régime juridique des " lois du pays " est un frein à l'efficacité de l'action des pouvoirs publics à cause d'une procédure trop longue et inutilement complexe qui ne trouve aucune contrepartie notamment en matière de sécurité juridique pour les citoyens ou l'administration.
Sauf pour les actes concernant des domaines de partage de compétence, tous les actes de la Polynésie française devraient être des délibérations dont la procédure d'adoption est plus rapide et plus efficace.
La seconde concerne les avis rendus par l'Assemblée de la Polynésie française.
Nous proposons d'insérer un article 10-1 à la loi statutaire sur la consultation de l'assemblée de la Polynésie française de manière à permettre aux groupes constitués au sein de notre assemblée de remettre au président de l'assemblée de la Polynésie française un avis dit "avis minoritaire" sur le projet de texte ayant fait l'objet dudit avis.
Cette proposition s'inscrit dans une volonté d'améliorer la vie démocratique en Polynésie française et de lui offrir l'espace nécessaire à son expression. Ce mécanisme d'expression démocratique inconnu en droit français est en vigueur dans d'autres grandes démocraties, notamment aux Etats-Unis.
Enfin, la troisième amélioration sur laquelle nous attirons votre attention concerne l'indemnisation du président de la Polynésie française et des autres membres du gouvernement en cas de cessation de fonctions.
Le régime d'indemnisation du président et des ministres après la cessation de leurs fonctions mérite d'être réexaminé afin d'empêcher des situations aberrantes d'un point de vue de la moralité dans l'utilisation des fonds publics.
* * *
Monsieur le secrétaire d'Etat, Mesdames, Messieurs, en conclusion à mon intervention, je veux redire que le projet de loi organique qui nous a été transmis est en adéquation avec la démarche annoncée par l'Etat et traite effectivement des questions pour lesquelles les formations politiques avaient été consultées.
Je veux également réaffirmer que, en toute objectivité, aucune des dispositions du projet de texte ne porte atteinte à l'autonomie de la Polynésie française que je défends.
La responsabilisation des élus polynésiens me semble finalement être au cœur du projet de loi.
Comment s'opposer à ce que les élus assument les responsabilités et les conséquences des responsabilités auxquelles ils aspirent ?
Je vous remercie.
Jean-Christophe BOUISSOU
Madame le Haut-commissaire,
Monsieur le Président de la Polynésie française,
Monsieur le Président de l'Assemblée de la Polynésie française,
Madame le Président du Conseil économique Social et Culturel,
Chers collègues, représentants à l'Assemblée de la Polynésie française,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Monsieur le conseiller économique et social,
Mesdames, Messieurs,
La présence du ministre ESTROSI donne à notre séance un caractère solennel particulier.
C'est la 4ème fois que le ministre nous rend visite depuis sa prise de fonction, il y a 6 mois.
Aucun ministre n'est venu aussi souvent à la rencontre des polynésiens.
J'y vois l'intérêt sincère tout à la fois de l'Etat, du ministre et de l'homme pour les polynésiens, pour la Polynésie française et pour la France d'outre-mer.
Cette volonté de bâtir une relation humaine, directe avec les polynésiens ; je la comprends comme le témoignage d'un profond respect et d'une volonté de dialogue réel, soutenu et constructif.
Les polynésiens sont des hommes et des femmes pour lesquels rien ne remplace les rapports humains.
Je ne sais pas si l'agenda ministériel permettra de maintenir le rythme de ces rencontres mais, je ne peux que constater que le ministre a toujours été au rendez-vous des polynésiens, a toujours répondu présent, personnellement, quand le besoin s'en est fait sentir.
Il est vrai que malheureusement, deux de vos déplacements ont été motivés par le tragique accident du Twin Otter d'Air Moorea qui a emporté nos amis ; cicatrice qui ne se referme pas.
A cette occasion, vous aviez promis des moyens exceptionnels pour rechercher l'épave de l'avion et tenter d'expliquer les causes du drame.
Nous avons effectivement vu des moyens exceptionnels être dépêché sur place dans les délais les plus brefs possibles, pour remonter les morceaux de l'épave, récupérer l'enregistreur et permettre aux enquêteurs d'avancer dans leur minutieux travail qui se poursuit encore aujourd'hui.
Ces moyens exceptionnels auront également permis de rendre le corps, jusqu'alors porté disparu, de l'un de nos agents à sa famille.
Outre le soutien moral et le témoignage de solidarité, force est de constater que les actes ont suivi les paroles.
Vos actes ont suivi vos paroles.
Ce simple constat est une preuve du respect des citoyens et de la sincérité de l'engagement de l'homme et de l'Etat qu'il incarne aux côtés des polynésiens.
Monsieur le Ministre, votre présence est une opportunité exceptionnelle donnée à l'opposition regroupée à l'Assemblée au sein du groupe " Polynésiens ensemble " de vous exposer directement les conditions et motivations politiques qui ont prévalu lors de l'examen du projet de loi organique tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française.
Comme vous le savez, dans sa séance du 3 octobre dernier, l'Assemblée de la Polynésie française a rendu un avis très critiquable auquel nous n'adhérons absolument pas tant sur la forme que sur le fond.
Sur les 54 propositions que comporte le projet de loi, la majorité a émis 35 avis favorables et seulement 19 avis défavorables.
Elle est d'accord sur près de 70% du texte et propose des améliorations au texte sur presque tous les autres points.
Dans ces conditions, l'avis globalement défavorable de la majorité apparaît, à notre sens, incohérent.
Bien qu'en fait favorable à la quasi-totalité du texte, la nouvelle majorité développe un ensemble d'arguties qui relève de l'acrobatie pour justifier une position très politicienne "globalement défavorable".
Parmi elles, l'argumentaire qui consiste à dénoncer l'ingérence de l'Etat dans les affaires polynésiennes est l'un des plus étonnant.
En effet, tous les partis se sont rendus à Paris à votre invitation, monsieur le secrétaire d'Etat, et ont pu vous exposer leur point de vue sur la situation politique polynésienne et proposer des dispositions qu'il conviendrait que le parlement prenne afin d'améliorer la stabilité politique de nos institutions et de moraliser la vie publique.
Pour ceux qui n'ont pas voulu se rendre à Paris, vous êtes allé à leur rencontre.
Comment ceux qui ont, de manière libre et volontaire, participé à la réflexion en vue de la préparation de la réforme, peuvent-ils aujourd'hui parler d'ingérence de l'Etat ?
On entend également que le texte serait une régression par rapport aux acquis de l'autonomie, voire selon les dires les plus extrêmes une tendance à la départementalisation de la Polynésie française.
Ces affirmations sont complètement fausses. Pas une seule disposition du projet de loi ne traite des compétences exercées par la Polynésie française.
On agite des épouvantails alors qu'aucun merle ne vient attaquer les récoltes ! Ces propos ne sont, je le regrette, que gesticulations.
Aucun mouvement départementaliste n'existe en Polynésie française. Par contre, on constate qu'un nouveau front semble s'être constitué : Le front souverainiste.
Ce front estime que l'évolution historique de la Polynésie française doit la mener à toujours plus d'autonomie et finalement la souveraineté, c'est-à-dire l'indépendance. L'Histoire serait donc déjà écrite. Sans issue !
Nous ne partageons absolument pas cette vision pseudo historique de notre avenu*. Bien au contraire, l'Histoire ne revient jamais en arrière.
Je veux dire à la population qu'il n'y a pas de fatalité. Son avenir est entre ses mains.
Après une période de 4 années d'instabilité, de crise institutionnelle permanente, il est temps de rendre la parole au peuple.
Pendant 4 années, chacun d'entre nous, tour à tour, à un moment donné, a cru pouvoir diriger sereinementet dans la durée les affaires du Pays.
Le constat s'impose, aucune majorité politique, conforme au choix des électeurs et aux programmes et promesses politiques des différents partis, n'arrive à se dégager.
C'est l'instabilité permanente. Notre assemblée, dans sa composition actuelle, ne parvient pas à dégager une majorité de représentants cohérente, sauf à tronquer les votes exprimés en 2004 et 2005 sur la base de programmes et d'équipes clairement identifiés.
Il est temps de mettre un terme au mandat de notre assemblée.
Il faut retourner aux urnes afin qu'une majorité nouvelle, légitimée par les électeurs, se dégage.
Nous avons compris que la démarche du secrétaire d'Etat retranscrite dans le projet de loi qui a été soumis à l'examen de notre Assemblée attaque de front deux maux qui ont pollué notre vie politique et institutionnelle depuis 2004 : l'instabilité et la suspicion.
Nous soutenons pleinement cette démarche car nous sommes convaincus que les lois peuvent améliorer la stabilité et la moralisation de la vie publique. Le projet de loi organique va dans ce sens,
Cependant, nous en connaissons aussi les limites.
Ses limites, ce sont les hommes et les femmes politiques eux-mêmes !
Quel que soit le mode de scrutin, quelle que soit la date des élections, quel que soit le découpage électorale, quelles que soient les règles du jeu : ce seront les élus qui feront les majorités !
Dans ce contexte, on entend les partis les plus anciens proposer des règles du jeu qui ferment la porte aux nouvelles fonnations politiques sous prétexte de stabilité.
C'est tout l'enjeu de la contestation autour du seuil d'accessibilité au second tour des élections
territoriales.
Il est certain qu'un deuxième tour avec seulement deux partis politiques, pour certains, c'est tentant.
Pour autant, est-ce cela la démocratie ?
Certainement pas. La stabilité ne peut pas se faire au prix de l'expression démocratique.. .la stabilité ne justifiera jamais l'étouffement de l'opposition...
D'ailleurs, la leçon de la prime majoritaire qui devait apporter une écrasante majorité et donc une écrasante stabilité n'est-elle pas encore comprise ?
Monsieur- le secrétaire d'Etat, votre projet de loi organique, dans un souci clairement exprimé de permettre la pluralité de l'expression démocratique, propose de fixer le seuil d'accessibilité au second tour à 10% du total des suffrages exprimés.
Il s'agit d'un taux raisonnable. Maintenez votre proposition.
La prise en compte de la diversité des opinions politiques et leur représentation au niveau de l'assemblée de la Polynésie française est un gage de démocratie.
Lutter, par des mesures nouvelles et démocratiques, contre à la mise en place d'un système autocratique, ce n'est pas institutionnaliser l'instabilité.
Passer le seuil de 10% des suffrages exprimés à 12.5% des inscrits serait un coup de frein historique à la diversité au sein de notre institution.
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Le mode de scrutin est un élément déterminant pour obtenir un fonctionnement serein de nos institutions. Il convient cependant d'en relativiser l'importance.
L'un des nœuds principaux de l'instabilité institutionnelle qu'a connu la Polynésie française réside dans la facilité extraordinaire avec laquelle il est possible de déposer des motions de censure.
En quatre ans, c'est plus d'une demi-douzaine de motion de censure qui a été déposée mais seulement trois ont été adoptées. Les autres ont simplement entravé le fonctionnement normal du pays jusqu'à leur examen.
Il apparaît donc nécessaire de rendre moins facile la déstabilisation de nos institutions. Il faut que la censure soit au service de la démocratie et de la stabilité de nos institutions et non au bénéfice de l'argutie stérile et de la déstabilisation du Pays.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous comprendrez que, pour notre part, nous abordons votre texte l'esprit libre et serein avec la volonté d'apporter notre pierre à l'édifice.
Car nous avons le sentiment que nous pouvons aller encore plus loin dans la transparence et la moralisation de la vie publique.
Ainsi, par exemple, nous proposons également d'améliorer la rédaction de l'article 78 de la loi statutaire sur les conditions de réintégration d'un représentant à l'assemblée après la cessation de ses fonctions gouvernementales.
Le système proposé répond au problème posé par le retour " politique " et opportuniste d'un élu sur les bancs de l'assemblée pour éviter l'adoption d'une motion de censure. Mais il entraîne des coûts supplémentaires pour la collectivité.
Il nous semble possible d'arriver au même objectif sans coût supplémentaire pour la collectivité en permettant au représentant-ministre de retrouver "son mandat à l'assemblée de la Polynésie française (seulement) à l'issue du vote de la motion de défiance ou de renvoi ".
Dans l'optique de moralisation de la vie publique, nous souhaitons également renforcer l'article 76 de la loi statutaire sur les incompatibilités avec des activités privées.
En effet, nous sommes favorables à ces dispositions de moralisation de la vie publique et souhaitons aller plus loin encore dans cette moralisation.
Il convient, selon nous, d'interdire la gestion d'un secteur d'activité par un ministre qui dispose d'intérêts privés dans ledit secteur compte tenu du risque permanent de conflits d'intérêts. Ainsi, par exemple, il serait interdit à un agent immobilier de devenir ministre des affaires foncières ou à un perliculteur de devenir ministre de la perliculture ou à un promoteur de devenir ministre du logement.
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Outre ces propositions d'amélioration de votre projet de loi organique, nous souhaitons vous proposer trois dispositions complémentaires qui entrent directement dans le cadre de l'amélioration de l'efficacité de l'action des pouvoirs publics, de l'expression démocratique et de la moralisation de la vie publique.
La première porte sur les lois de Pays.
Le régime juridique des " lois du pays " est un frein à l'efficacité de l'action des pouvoirs publics à cause d'une procédure trop longue et inutilement complexe qui ne trouve aucune contrepartie notamment en matière de sécurité juridique pour les citoyens ou l'administration.
Sauf pour les actes concernant des domaines de partage de compétence, tous les actes de la Polynésie française devraient être des délibérations dont la procédure d'adoption est plus rapide et plus efficace.
La seconde concerne les avis rendus par l'Assemblée de la Polynésie française.
Nous proposons d'insérer un article 10-1 à la loi statutaire sur la consultation de l'assemblée de la Polynésie française de manière à permettre aux groupes constitués au sein de notre assemblée de remettre au président de l'assemblée de la Polynésie française un avis dit "avis minoritaire" sur le projet de texte ayant fait l'objet dudit avis.
Cette proposition s'inscrit dans une volonté d'améliorer la vie démocratique en Polynésie française et de lui offrir l'espace nécessaire à son expression. Ce mécanisme d'expression démocratique inconnu en droit français est en vigueur dans d'autres grandes démocraties, notamment aux Etats-Unis.
Enfin, la troisième amélioration sur laquelle nous attirons votre attention concerne l'indemnisation du président de la Polynésie française et des autres membres du gouvernement en cas de cessation de fonctions.
Le régime d'indemnisation du président et des ministres après la cessation de leurs fonctions mérite d'être réexaminé afin d'empêcher des situations aberrantes d'un point de vue de la moralité dans l'utilisation des fonds publics.
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Monsieur le secrétaire d'Etat, Mesdames, Messieurs, en conclusion à mon intervention, je veux redire que le projet de loi organique qui nous a été transmis est en adéquation avec la démarche annoncée par l'Etat et traite effectivement des questions pour lesquelles les formations politiques avaient été consultées.
Je veux également réaffirmer que, en toute objectivité, aucune des dispositions du projet de texte ne porte atteinte à l'autonomie de la Polynésie française que je défends.
La responsabilisation des élus polynésiens me semble finalement être au cœur du projet de loi.
Comment s'opposer à ce que les élus assument les responsabilités et les conséquences des responsabilités auxquelles ils aspirent ?
Je vous remercie.
Jean-Christophe BOUISSOU